Le recours à la sous-traitance comme mode d'embauche privilégié par les pouvoirs publics depuis plusieurs années a été le sujet de débats entre plusieurs partenaires après le 14 janvier 2011. Ces débats parfois polémiques entre opposants et défenseurs de ce mode d'embauche ne s'appuient pas sur des données chiffrées et des éléments quantifiés, d'où notre contribution à cette réflexion. Les données relatives à ce mode d'embauche et représentées ci-dessous sont tirées de l'étude d'un échantillon des contrats conclus en 2006 entre des entreprises publiques et des sociétés privées de sous-traitance dans le domaine du gardiennage et du nettoyage. Cette étude réalisée par nos soins en 2007 comporte plusieurs volets (âge, sexe, région, etc.). Nous nous intéressons toutefois à deux aspects très importants, à savoir les revenus perçus par les salariés(*) exerçant dans les sociétés de sous-traitance d'une part et à leur mode de couverture sociale d'autre part. Rappelons au départ que les salariés de ces sociétés sont soumis juridiquement aux dispositions de la loi 60-30 du 14/12/1960, imposant l'immatriculation des salariés de ces sociétés au régime général de la Cnss. Une convention collective réglemente l'activité du gardiennage, le Smig horaire est exigé pour les salariés de nettoyage. Ce mode d'embauche s'est bien développé dans la région du Grand-Tunis. Il a, par ailleurs, progressé dans les régions, notamment côtières; l'activité de gardiennage est assurée par des hommes et celle de nettoyage demeure réservée aux femmes. L'étude fait apparaître que les pourcentages des salariés célibataires hommes et femmes sont respectivement de 40% et 44% et par conséquent 60% des hommes sont mariés et 49,1% des femmes (6,9% des femmes sont des veuves et des divorcées). Il ressort également de l'étude que l'activité de gardiennage est assurée par une population active jeune, 40% ont moins de 35 ans (seulement 14% sont âgés de plus de 50 ans). Cela n'est pas le cas pour les femmes, où plus de 80% ont plus de 35 ans (23,6% ont plus de 50 ans), le recours à une activité rémunérée est observé assez tardif. L'âge moyen des salariées femmes est de 42,7 ans et l'âge médian est de 38,5 ans. L'âge moyen et l'âge médian des salariés hommes sont respectivement de 38 ans et de 33,25 ans, soit une différence assez significative entre les salariés des deux sexes. 1 - Les salaires déclarés L'étude fait apparaître que le salaire moyen des hommes est de 187,728 dinars, il est seulement de 130,291 dinars pour les femmes (moins de 1/3 environ). Le niveau des salaires accordés à ces employés est très modeste, voire faible, puisque‑: – 69,4% des femmes chargées du nettoyage sont déclarées à moins du 2/3 du Smig. Ce faible salaire est dû probablement au fait que les employeurs déclarent une partie seulement des salaires à la Cnss. Il est dû, en outre, au nombre réduit d'heures de travail de ces femmes (4 à 5 heures de travail par jour) et à l'absence d'une convention qui réglemente les salaires et les primes. Ces femmes seront privées de la retraite au cas où elles continueraient à être déclarées à moins de 2/3 du Smig. – 38% des salariés chargés du gardiennage sont déclarés à moins du 2/3 du Smig; cette proportion de sous-déclarés est aussi importante pour une activité réglementée par une convention. – 85% des salariés hommes et 80% des salariées femmes, mariés et ayant exercé pendant une année entière ont déclaré que leurs conjoints sont sans activité. Cela pourrait être dû, entre autres, à la sous-déclaration. Les charges financières familiales semblent obliger ces femmes à chercher un travail rémunéré en dehors du foyer. Les hommes ont pour conjointes des femmes au foyer. Au total, l'étude fait apparaître que plus de la moitié des salariés (56,4%) sont sous-déclarés (déclarés à moins du 2/3 du Smig), le reste, soit 44%, sont déclarés à des salaires très modestes (entre 2/3 et 1/5 du Smig). Cette situation est très avantageuse pour les employeurs payant moins de charges sociales. La Cnss est loin d'être dans une situation privilégiée, elle est même perdante : des rentrées financières moins importantes et de charges financières plus importantes (telles que les allocations familiales, les soins, la pension de retraite…). Les salariés sont aussi très lésés, ils ne peuvent pas bénéficier de la retraite et de la couverture sanitaire des soins s'ils continuent à être déclarés à moins de 2/3 du Smig. 2 - La couverture sociale des salariés de la sous-traitance L'étude fait apparaître que: – Le pourcentage des salariés qui ont exercé une année entière et déclarés au titre de la totalité de la période exercée à des salaires légaux (+ de 2/3 du Smig) est de 32,8% pour les hommes. Il n'est que de 14,5% pour les femmes. – Le tiers (32,4%) des femmes a exercé une année entière mais non déclarées au titre de cette période à la Cnss. Ce pourcentage n'est que de 10,7% pour les salariés hommes. – La Cnss est face à un sérieux problème de sous-déclaration, surtout pour les femmes. Conclusion La Caisse nationale de sécurité devrait se mobiliser pour évaluer sérieusement ce mode d'embauche et ses diverses implications sur l'organisme. Elle devrait intervenir activement et sérieusement pour une meilleure couverture de ces salariés fragilisés par ce mode d'embauche avantageux pour les employeurs. –––––––––––––– (*) L'ensemble des salariés de l'échantillon ont fait l'objet d'un questionnaire portant sur l'âge, le sexe, le nombre d'enfants, les salaires déclarés, les périodes d'activités et celles déclarées à la Cnss… Les données recueillies ont été traitées par le tableau croisé dynamique, elles sont par la suite analysée et commentées.