Par Soufiane Ben Farhat Le mode de scrutin adopté pour les élections de la Constituante a été âprement débattu au sein de l'Instance et cetera. Les échanges ont été particulièrement pointus autour de l'article 32. Le vote a tranché : 76 voix ont voté pour le scrutin proportionnel de listes avec plus forts restes contre 51 voix pour le scrutin de listes avec plus fortes moyennes. Deux constats s'imposent. D'abord, on a opté pour le scrutin de liste à la représentation proportionnelle. Ensuite, on a privilégié la variante de l'élection à la proportionnelle avec les plus grands restes. Le choix a des significations politiques décisives. Il grève les uns et tend la perche à d'autres. En fait, les plus grosses listes n'ont pas le beau rôle dans ce mode de scrutin. Et au-delà, les partis politiques s'interrogent déjà sur les surprises escomptées de l'élection proprement dite. Ne nous y trompons pas : nous assistons depuis peu en Tunisie à un bras de fer feutré entre les partis et les indépendants. Certes, ce n'est pas l'Italie avec son fameux système dit de partitocratie. Mais il semble que les indépendants veuillent coûte que coûte rentrer par la grande porte dans la nouvelle Cité politique. Ambition on ne peut plus légitime, à l'instar de celle des nouveaux partis qui essaiment. Les uns et les autres se positionnent déjà. Plus ou moins adroitement. Que dis-je ? Ils se multiplient même, sous diverses casquettes, appellations et déclinaisons. A telle enseigne qu'on s'y perd parfois. On ne sait plus qui fait quoi, voire qui est qui. Prenons les partis politiques. Jusqu'ici un peu plus de cinquante d'entre eux ont obtenu leur visa. Autant demeurent encore en instance d'octroi. Pour l'observateur averti, il importe de lire entre les lignes et dévoiler les dessous des cartes. En fait, nombre de partis appartiennent à la même tendance ou mouvance. Cela signifie que certains se sont avisés de se "fractionner" à souhait. Pourquoi donc ? En vue de dissiper des craintes ? Afin d'avoir plusieurs fers au feu‑? De même, certaines tendances politiques avérées s'avisent de se présenter sous la bannière des indépendants. Là aussi, les motivations ne sont guère explicites. Le sont-elles jamais en politique ? Grosso modo, le topo se présente dans un halo entouré de mystère. Le brouillard est encore de mise. Mais les volontés des uns et des autres n'en sont pas moins fermes. En fait, les passes d'armes et escarmouches –démocratiques bien évidemment — au sein de l'Instance et cetera témoignent du regain de dynamisme de la scène politique nationale. Certes, tout n'y est pas pour le mieux. Mais les débats s'y font à découvert, malgré les agendas tus ou révélés à demi-mots par les uns ou les autres. Cet été sera chaud, n'en doutons guère. Ce qui est certain, c'est que l'on assistera sous peu à un véritable processus électoral particulièrement disputé. La Tunisie y gagnera certainement, dans tous les cas de figure et quelles que soient les issues du scrutin. A une condition fondamentale toutefois : que les protagonistes aient à cœur les valeurs de la République et les règles de base de l'émulation politique saine. Celle dont l'horizon demeure précisément la préservation des intérêts supérieurs du pays. Par moments, il est impératif de regarder autour de soi, en soi, se juger et faire son mea culpa. Les rapports entre Tunisiens arpentent, par moments hélas, les voies glissantes. C'est-à-dire dangereuses. Les violences et affrontements entre groupes, familles, arouchs (tribus élargies) et régions ne présagent de rien de bon. On a vu cela à Métlaoui et Mdhilla, à Moknine, Tunis et Djerba notamment. Le plus grave, c'est que des jeunes gens s'y adonnent aveuglément. Une donne qui interpelle particulièrement lorsqu'on sait que la révolution tunisienne est, avant tout, la révolution de la jeunesse. Il est urgent de faire cesser ces dérapages. Et le plus tôt sera le mieux. D'où, en somme, une question lancinante : le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein ? Chacun en jugera en fonction de ses intérêts et préoccupations. Et, dans tous les cas de figure, le verre est "à moitié". A en croire que nous sommes atteints d'une espèce de syndrome du verre.