Par Abdelhamid GMATI Toute révolution a une fin; à travers l'Histoire, et quels qu'aient été leurs conditions, leur genre ou leurs auteurs, elles ont eu un début mais elles ont eu aussi une fin. Et c'est leur fin qui a permis de les juger. La nôtre n'échappe pas à ce constat. Jusqu'ici, elle a été considérée comme originale, unique. Pour deux raison essentielles : elle a été spontanée, non encadrée, populaire, sans leader, ni idéologie et elle a été non violente. Si l'on excepte, bien sûr, certaines violences collatérales comme les bagarres de quartiers, celles de certaines tribus, les agressions et autres actes de banditisme ou encore les agissements de fauteurs de troubles avides de négativisme et de pouvoir. Et n'oublions pas non plus cette violence verbale et ces tentatives de règlements de comptes. Un certain temps, on a craint qu'elle ne dévie de ses objectifs et qu'elle ne sombre dans des polémiques sans fin, plus ou moins idéologiques, plus ou moins dictées par des intérêts partisans et personnels. La contre-révolution n'est jamais loin. Après trois mois, on est en droit de se demander où on en est des objectifs des artisans de cette révolution. N'oublions pas qu'à l'origine, il y avait des motivations essentiellement socioéconomiques. Les jeunes, et les moins jeunes, laissés pour compte, marginalisés exclus de la vie socioéconomique et politique du pays, ont balayé la tyrannie et les auteurs de l'oppression. Ils demandaient du travail et de la dignité. Pendant des semaines, on avait l'impression que rien n'avait changé et on a craint pour cette Révolution. Mais il y a juste une dizaine de jours, les premières décisions urgentes et à effet immédiat ont été annoncées et connaissent un début de réalisation. Il y a donc des chances pour que le développement des régions oubliées se fasse et que les premiers objectifs soient atteints. A côté de cela, le climat social reste tendu avec des revendications incessantes ayant des effets néfastes sur la situation socioéconomique du pays. Est-ce vraiment le moment de bloquer les autoroutes, d'immobiliser des entreprises, de livrer la capitale et d'autres villes aux ordures ménagères ? Les augmentations de salaires, la régularisation de certains statuts d'employés, aussi compréhensibles et légitimes soient elles, sont-elles plus importantes que le chômage de dizaines de milliers de jeunes diplômés ou moins scolarisés ? Ajoutons à cela le désordre politique que certaines parties en quête de positionnements s'ingénie à instaurer. Que font les partis politiques qui poussent comme des champignons ? C'est pourtant le moment propice de se faire connaître, de proposer des programmes, des solutions aux problèmes du pays. Et cette centrale syndicale qui ne cesse d'être dépassée par ses membres régionaux et locaux? Après trois mois de déclarations, de liberté d'expression effrénée, de défoulements, d'actes de catharsis, il serait temps de passer aux choses sérieuses et de construire. Un point positif : le Conseil de la haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, dont les travaux ont longtemps été retardés par toutes sortes de contestations plus ou moins compréhensibles, a fini par adopter, à la majorité, le décret-loi relatif à l'élection de l'Assemblée nationale constituante et aussi le mode de scrutin relatif aux élections. Certes, on a eu droit à des débats houleux mais on a fini par s'entendre sur l'essentiel, même si certains ne sont pas encore au diapason des règles de la démocratie. Ceci pour l'aspect politique qui nous conforte sur les chances de réaliser une démocratie telle que souhaitée. Reste à reprendre le travail et à s'occuper des urgences économiques qui risquent de constituer un lourd handicap. Est-ce insurmontable ? Les Tunisiens, dans leur ensemble, ont déjà démontré qu'ils apprennent vite et savent faire face aux situations les moins familières, les plus difficiles. Gageons qu'ils sauront terminer leur révolution au mieux de leurs intérêts et de leurs aspirations.