• Une énième victime de la machine infernale de la censure novembriste Impossible de parler de la Constitution tunisienne de 1861 sans faire un survol de l'histoire constitutionnelle du pays. Entreprise qui ne pourrait ignorer un ouvrage en trois tomes sur la question, rédigé par Mahmoud Bouali et édité en 1963 par Ennajah. Impossible aussi d'évoquer l'ouvrage en question sans parler de son auteur. Surtout en ce moment de l'année. Si Mahmoud a en effet écrit son premier article à La Presse le 17 avril 1956 soit il y a 55 ans alors qu'il n'avait que 23 ans ou presque. En cette année durant laquelle notre journal fête ses 75 ans, la complicité Bouali-La Presse est bien historique. En effet et en plus de ses éphémérides quotidiennes. Si Mahmoud livrait à nos lecteurs l'essence de ses recherches historiques surtout dans le volet relations diplomatiques de la Tunisie ainsi que les étrangers ayant vécu chez nous. Avec sa patience légendaire, il venait certains matins le gros cartable en cuir plein de fiches. Depuis une dizaine d'années et vu son âge, il préférait envoyer sa rubrique par porteur avec une précision de montre suisse non sans la faire accompagner de mots gentils à l'égard de la rédaction. Il gardera d'ailleurs ce statut jusqu'à la retraite. Enseignant, syndicaliste, l'un des compagnons du martyr Farhat Hached, il s'est retrouvé une autre vocation, celle d'historien, car il était surtout un rat de bibliothèque. Mieux encore, une mémoire à toute épreuve. Après l'indépendance, le président Bourguiba le chargea d'une fonction assez spéciale et sans même le nommer officiellement : documentaliste de la présidence. Il devait choisir la lecture du chef de l'Etat et l'éclairer sur l'histoire du pays. Soit une relation très rapprochée et pleine d'anectodes ayant duré jusqu'au 5 octobre 1986. «J'ai quitté le palais de ma propre volonté après avoir réalisé que Bourguiba ne pouvait plus lire», nous avait-il confié l'autre jour. «J'ai dit à Amor Chadly (le Pr Chadly était à l'époque ministre directeur du cabinet présidentiel - Ndlr) je ne peux plus supporter de voir Bourguiba dans cet état là», avait-il ajouté. Mais un jour de fin septembre 2010, sa rubrique quotidienne fut rayée d'un seul coup. Cette mémoire dérangeait visiblement certains hauts décideurs qui voulaient à tout prix confisquer ce trésor. Si Mahmoud avait en effet pris l'habitude depuis un certain temps d'évoquer des citoyens, intellectuels, militants associatifs ou autres. Cela dérangeait à coup sûr certains décideurs chargés de faire le vide autour du président aujourd'hui déchu et qui orchestraient cette mascarade donnant lieu à un ridicule culte de la personnalité. Cette paranoïa atteint son paroxysme lorsque Si Mahmoud nous envoya un article à travers lequel il élucida une énigme qui triturait constamment les méninges des historiens : «Pourquoi les Américains ne se sont-ils pas interposés pour empêcher le général Giraud de détrôner et faire déporter Moncef Bey le 14 mai 1943‑?». La machine infernale de la censure novembriste donna le coup de grâce à la collaboration historique Bouali-La Presse. Cette dernière sera-t-elle ressuscitée bientôt ? Espérons-le.