BELGRADE/SARAJEVO (Reuters) — Quinze ans après le massacre de Srebrenica, le parlement serbe débat aujourd'hui de l'opportunité d'offrir des excuses publiques pour l'exécution de 8.000 musulmans de Bosnie. La résolution, qui a l'appui de la coalition au pouvoir et sera donc probablement adoptée, peut-être dans la foulée du débat, s'inscrit dans les efforts de Belgrade pour se rapprocher de l'Union européenne et d'exorciser le passé des guerres des années 1990. «Grâce à elle, la Serbie entend montrer sa volonté d'avancer vers la réconciliation régionale et d'entretenir de bonnes relations de voisinage avec les pays de la région», expliquait la semaine dernière le Premier ministre Mirko Cvetkovic. Le projet de résolution, qui ne va pas jusqu'à qualifier les événements de génocide, exprime sa sympathie pour les victimes de Srebrenica et déplore ne pas avoir agi suffisamment pour prévenir le massacre commis par les forces serbes de Bosnie et les milices paramilitaires serbes. Il demande également aux autres pays de l'ex-Yougoslavie d'adopter des résolutions condamnant les crimes perpétrés contre des Serbes. Quelques mois avant la fin de la guerre de Bosnie, en juillet 1995, les forces bosno-serbes commandées par le général Ratko Mladic ont exécuté environ 8.000 hommes et garçons musulmans de la ville de Srebrenica qu'elles assiégeaient. En 2009, le parlement européen a condamné ce massacre, le plus grave commis en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, comme un acte de génocide, en demandant à la région d'en commémorer l'anniversaire. Insultant Pour des musulmans bosniaques comme Ilijas Pilav, un chirurgien de Sarajevo qui a survécu au massacre en s'échappant à travers les bois, cette résolution n'apportera guère de réconfort. Pilav a réussi avec plusieurs milliers d'autres à se mettre à l'abri après six jours et six nuits de marche. «C'est une expérience qu'aucun mot ne pourrait décrire», raconte-t-il. «Cela a laissé des traces profondes pour le reste de ma vie. Ni le temps, ni une déclaration politique ne pourront effacer ces souvenirs.» Il juge même insultant le fait que Belgrade omette de qualifier le massacre de génocide. «Cela ne fait que renforcer un sentiment d'humiliation, de mépris et de colère. Personne ne peut ramener les morts mais on ne devrait pas humilier les survivants.» Selon lui, cette résolution est une manière malhonnête, de la part de l'Union européenne, «d'amnistier la Serbie pour son rôle en temps de guerre et de montrer qu'elle est devenue un partenaire convenable.» Le débat au parlement de Belgrade, où les socialistes de l'ancien président Slobodan Milosevic sont un partenaire de la coalition au pouvoir, est pourtant déjà un pas difficile à franchir pour de nombreux élus et une partie de la population, qui préfèreraient qu'on souligne les souffrances des Serbes. «Ils estiment avec passion que personne ne reconnaît les pertes que les Serbes ont subies en Bosnie ou les crimes qu'on a commis à leur encontre», souligne l'ancien ambassadeur des Etats-Unis à Belgrade, Bill Montgomery. «C'est pourquoi une résolution qui ne parle que du massacre de Srebrenica se heurte à des difficultés.» Mais pour les Serbes progressistes, cette résolution est importante avant tout pour les Serbes eux-mêmes, afin de se réconcilier avec leur passé. «Nous avons déclenché cette folie», déclare Milan Pajevic, ancien conseiller de politique étrangère du gouvernement. «Nous devons exprimer notre douleur pour les crimes commis par des gens venus de Serbie. C'est seulement alors que nous pourrons attendre des autres qu'ils se disent à leur tour désolés.»