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Encre et lumière, le lien sacré
Le mensuel de La Presse
Publié dans La Presse de Tunisie le 02 - 10 - 2010


Par Foued ALLANI
• Entre journalisme et cinéma, plus qu'une simple histoire
Au commencement était le blanc. Celui de la page, celui de l'écran. Puis, vint l'écriture. Par l'encre, puis par la lumière. Signe, sens, trace, réalité, rêve…, action, mouvement…Entre journalisme et cinéma, il y a plus qu'une simple histoire à partager ou à raconter, un lien sacré … consacré. L'un inspirera l'autre et vice-versa, sur fond d'un objectif commun souvent mis en avant, éveiller les consciences, les aiguiser.
Du haut de ses 115 ans d'existence effective, le cinéma évoluera en vertu de ce lien, du film sur les actualités déjà rangé aux oubliettes et jusqu'au film-enquête classé dans le genre documentaire. Cela en passant par les films relatant des événements (fictifs ou inspirés de la réalité) prenant naissance dans le monde du journalisme et ceux dont le personnage central est un journaliste en action.
De son côté, le journalisme, tous supports confondus, empruntera son langage au cinéma. Cela donnera naissance d'abord au reportage du journal télévisé puis à un style d'écriture et de présentation bien particulier, en passant par la naissance d'une spécialité, le journalisme cinématographique (actualités et critique), etc. Lumière sur ce lien qui d'aucuns voudraient qu'il garde son caractère sacré… renvoyant au feu sacré de la création.
Les pieds sur terre, le journalisme est avant tout un métier. Celui de chasser l'information en vue de sa diffusion sous une forme hiérarchisée, claire, lisible, dans son contexte avec le maximum d'objectivité possible puis, le cas échéant, de l'expliquer, de la commenter, de l'analyser…
Mais un métier auquel une touche artistique est nécessaire. Car si un métier doit d'abord répondre à un besoin social grâce à la confection d'un produit (ou service) de consommation courante, il doit aussi faire en sorte que ce produit (ou service) se vende bien donc, posséder entre autres une dimension esthétique si minime soit-elle.
Le développement du télégraphe des techniques d'impression, puis de la diffusion massive ayant permis au journal de devenir dans les sociétés modernes un produit de première nécessité (le biscuit de l'esprit, le livre étant comme l'a surnommé Robert Escarpit, le pain de l'esprit), le journalisme est ainsi devenu un vrai métier avec ses propres techniques et ses règles bien spécifiques pour enfin acquérir un statut privilégié puis un certain aura, un prestige évident.
De son côté et après ses premiers balbutiements, le cinéma se fixera à partir de la première décennie du siècle dernier dans deux registres bien distincts: la fiction et l'actualité.
Informer, témoigner, dénoncer
Si le premier film de l'histoire, qui d'ailleurs fit couler beaucoup d'encre, ceux des journaux en particulier, celui des frères Lumière reproduisant la sortie des ouvriers de leur usine à Lyon (La sortie des usines - 1895) est un court documentaire sans réel intérêt, il restera néanmoins le précurseur non seulement de tout le 7e art, mais aussi et surtout des actualités cinématographiques. Le résumé en images des évènements les plus importants locaux et internationaux, projeté dans le but d'informer comme le ferai un journal, mais sans avoir besoin de lire ou d'être instruit pour le faire. Il suffit de s'asseoir et de voir. Cela donnera une autre dimension au métier d'information, puisque l'image, déjà fixe, était à l'époque mille fois plus crédible que n'importe quel discours que dire alors si elle est animée. Le cinéma est d'ailleurs devenu une industrie grâce justement à ces actualités. Ce sont elles qui ont à ses tout débuts exercé la magie de cet «art» sur les masses afin qu'il puisse enfin voir le jour. Charles et Emile Pathé (France) seront dès 1896 les pionniers de cette forme de récit cinématographique basé sur les événements réels et de l'industrie cinématographique en général. Et le premier journal d'actualité cinématographique bien différencié verra le jour en 1909 (le Pathé journal, premier portrait vivant de l'univers, selon le titre de l'époque).
Des reporters seront envoyés un peu partout dans le monde pour rendre compte des événements aux millions de spectateurs à l'appétit toujours grandissant. Guerres, coups d'Etat, grèves, manifestations, catastrophes, mariages royaux, réunions de haut niveau… tout y sera.
Avec l'avènement en 1927 du parlant, les actualités prendront une tournure décisive pour s'imposer à tous. Avant la projection de n'importe quel film, le spectateur se sacrifiera à la sacro-sainte séance des actualités cinématographiques, devenues un élément inamovible du programme de chaque salle qui se respecte. Et les gouvernements respectifs des nouveaux Etats indépendants (début de la seconde moitié du XXe siècle) en feront un outil politique très efficace afin de resouder les populations en vue de la lutte contre le sous-développement. Des services bien à part verront le jour au sein des ministères chargés de l'information afin de veiller sur cette activité vitale dont les produits iront «éveiller» les populations rurales éparpillées et isolées grâce à des équipes itinérantes dotées de tout le matériel nécessaire à la projection (y compris les groupes électrogènes).
C'est l'essor vertigineux de la télévision qui mettra fin à ce genre et le reléguer aux archives. Ce qui ne diminuera en rien son importance pour les historiens et servira à alimenter les rubriques quotidiennes des éphémérides à la télé. Les documentaristes puiseront eux aussi dans ce trésor sans fin pour les besoins de leurs œuvres. Les cinéastes également quand il produiront une œuvre biographique d'une personnalité célèbre ou un film de fiction à caractère historique.
Mais l'aspect journalistique trouvera une seconde vie dans le film de reportage (même si ce dernier est essentiellement diffusé à la télé) et le film d'enquête ou le film-enquête.
Il s'agit là d'un documentaire prenant la forme d'un reportage-enquête dans le but de témoigner, dénoncer, dans le cadre plus large du militantisme intellectuel. Une activité lancée à première vue par certains cinéastes juifs voulant toucher l'opinion publique internationale et la saisir à propos des exactions nazies commises sur les communautés juives d'Europe. Même «arme» utilisée par des cinéastes palestiniens et autres pour mettre à nu le terrorisme sioniste (Kafr Qacem, Sabra et Chatilla).
Ombre de l'absence du Palestinien Nasri Hajjej, l'un des plus récents films du genre, est par ailleurs une excellente illustration de cette écriture «reportage-enquête» où se mêlent vérités historiques, témoignages poignants, impressions et souvenirs personnels…
Plus vivant, plus nerveux, plus émotif…
Grâce à la puissance du 7e art, le journalisme connaîtra lui aussi des évolutions décisives. D'abord au niveau du style de certains genres bien précis, essentiellement le grand reportage et le fait divers, mais aussi au niveau des titres.
Un style bien particulier pour les grands reportages a ainsi vu le jour grâce à l'influence du cinéma. Un style basé sur l'image par suggestion, sur l'action, les parallèles avec les mouvements de la caméra (l'œil du journaliste), le fondu enchaîné, les effets spéciaux… un style vivant, nerveux, incisif, mettant en jeu les différents formats de plan, avec le changement d'angle, de rythme…
Quant au fait divers, pur produit de la culture de masse basé souvent sur le voyeurisme et faisant intervenir des phénomènes psycho-sociologiques communs à toute la production dramatique, tels que l'identification et la projection, il a su s'imposer grâce aussi à cette influence du cinéma.
Là, tout comme le reportage, il s'agit de décrire l'action, le décor, les personnages mais aussi de faire jaillir les émotions, toujours plus fortes et souvent assez fortes.
Les titres d'articles ont eux aussi subi les effets de la machine commerciale du cinéma, surtout hollywoodien. «Autant en emporte le vent», «Le train sifflera trois fois», «Tant qu'il y aura des hommes», «Vol au-dessus d'un nid de coucou», «Sale, bête et méchant», «Le silence des agneaux», «Il faut sauver le soldat Ryan»… sont autant d'échantillons les plus célèbres de cette matière première prête à toutes les modifications possibles et imaginables en vue de «pondre» un titre qui accroche.
Plusieurs as des titres dans les grands journaux ont ainsi puisé dans ce gisement de titres d'œuvres cinématographiques. Feu Mohamed Mahfoudh (décédé en 2005), ancien rédacteur en chef, puis directeur de La Presse, par ailleurs scénariste et grand reporter de talent, a principalement brillé dans l'art de créer des titres poignants avec un minimum de signes et un maximum de sens, très souvent grâce à l'arsenal de titres d'œuvres cinématographiques qu'il avait en mémoire.
Le mythe du justicier
Le journalisme au centre du cinéma. Un fait qui date depuis plus d'un siècle, et le thème de plusieurs études publiées. Des films qui racontent l'aventure d'un journal à la recherche de la vérité et luttant contre le pouvoir de l'argent et de la politique souvent entremêlés, il y en a. D'autres qui axent leur récit sur «le journaliste» seul contre tous, genre de Robin des bois des temps modernes, il y en a aussi. L'encyclopédie en ligne Wikipédia en a recensé une trentaine parmi les meilleurs du genre dont «Bas les masques», «The front page», «Citizen Kane» (l'un des meilleurs films de l'histoire du cinéma), «Profession : reporter», «La Dolce vita», «Envoyés très spéciaux»…
Plusieurs ouvrages ont de leur côté traité de cette relation dont «Print the legend», un ouvrage collectif conçu et dirigé par G. Gosette et J.-M. Frodon (voir présentation in : www.ecrannoir.fr) répercutant d'ailleurs les assises d'un festival italien sur la question (2004).
Il s'agit de la compilation de documents touchant 300 films mettant en rapport journalisme et cinéma et la liste de 1.600 autres répondant à ce même critère dont 80% d'origine américaine. Ainsi l'on apprend que le premier film du genre est produit en 1899 à propos de l'affaire Dreyfus telle que racontée au cinéma par G.Méliès avec sans doute en bonne place le célèbre article à la une d'Emile Zola «J'accuse». Notons ici au passage que Theodor Herzl, le fondateur du sionisme, s'était déplacé à Paris pour rendre compte de l'affaire Dreyfus (1894) en sa qualité de journaliste, d'où l'intérêt du film pour certains. Tintin, le célèbre jeune reporter en dessin animé, a lui aussi participé à vulgariser ce métier tout en y introduisant une note parfois surréaliste.
Une relation très féconde puisqu'elle fait toujours intervenir la problématique de la recherche de la vérité et qui utilise le pouvoir de l'image pour choquer et convaincre.
Soit une arme alliant cette double et noble mission qu'est la recherche de la vérité et la volonté de la mettre au grand jour que les médias sont censés remplir.
Le cinéma égyptien a usé et abusé de cette approche en voulant dénoncer les tares des sociétés arabes auxquelles il s'adresse. Le journaliste y est souvent représenté sous forme d'une personne intègre luttant contre vents et marées (y compris contre son rédacteur en chef) pour venir en aide à une population, une famille ou une personne victime d'une injustice et souvent ayant à ses trousses des groupes mafieux.
«Al Ghoul» (L'ogre) interprété par Adel Imam et mis en scène par Sami Seïf (1983) restera sans doute le plus choquant du genre. Car jusqu'au-boutiste.Impuissant devant la corruption qui remonte même jusqu'à un ministre, licencié de son journal et plein de rage contre un système plus proche du broyeur que de toute autre chose, le journaliste (Adel Imam) prend son journal et s'en va à la rencontre du ministre à la sortie de son département. Face à face, il sort une hache du pli de son journal et frappe… en pleine figure le responsable en question (scène finale). Trop, c'est trop !
Sur le chemin de la spécialisation
La relation journalisme-cinéma donnera également naissance à une sous-spécialité dans le métier des médias, le journaliste cinématographique (actualité et critique à chaud). Des rubriques aussi telles que le carnet du cinéma (information service). Les interviews de cinéastes et les reportages sur les lieux de tournage de films sont devenus monnaie courante dans les journaux ainsi que pages et suppléments spécialisés. Cela sans parler des revues et magazines spécialisés en cinéma, mais gardant un lectorat grand public cinéphile. Notre journal La Presse s'est toujours distingué par sa page hebdo, «Cinéma» (la plus ancienne, la seule encore vivante dans la presse tunisienne) et par la couverture de son magazine du dimanche qu'il n'hésite pas à dédier aux films tunisiens en tournage, qui viennent de sortir en salle ou primés et aux festivals qui se multiplient sous nos cieux.
Bien que versé plutôt dans le théâtre, le célèbre journaliste, dramaturge et agitateur de la vie culturelle pré et post-indépendance, feu Hédi Laâbidi (1911-1985) a été l'un des premiers journalistes tunisiens arabophones à écrire un article critique à propos du cinéma (1928). Même si cet article est resté «orphelin». C'était dans le journal As Saouab, avec pour titre As Sinima, aou as'simatographe aou attamthil al kahraba'i (Le cinéma ou le cinématographe, ou encore l'interprétation via l'électricité). Un article dans lequel le journaliste constate l'essor de cet art en Tunisie (côté diffusion) et met en garde contre les dérives que pourrait engendrer une consommation non toujours saine de ses produits (violence…) par la jeunesse (influence négative par identification et mimétisme). Là aussi, feu Mohamed Mahfoud a excellé en tant que critique, le plus célèbre sans doute en Tunisie.
Enfin, Al Fen Essabaâ (Septième art) de Mustapha Negbou restera le périodique le plus connu et le plus ancien spécialisé en Tunisie dans le cinéma, quoique de plus en plus irrégulier et, depuis ces derniers temps, carrément absent. Un outil documentaire plus que promotionnel, mais aussi d'analyse devenu incontournable en matière de cinéma tunisien et même africain très attendu par les centres de recherches spécialisés.


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