Le journalisme d'investigation a été à l'honneur durant les deux premières semaines du mois en cours, puisqu'une formation a été organisée à Tunis au profit des journalistes tunisiens par l'ONG Arij (Arab reporters for investigative journalism). Il s'agit d'une association qui a des ramifications internationales à travers un réseau de partenaires (International média support, l'Association danoise du journalisme d'investigation, le Centre international des journalistes, l'Unesco, l'université américaine de Beyrouth…). Lors de la première semaine, la formation a ciblé les formateurs, tandis que la seconde semaine a été consacrée aux journalistes, et peut-être davantage aux jeunes journalistes. Il faut croire qu'il y a eu un problème de communication car les débuts de la deuxième session ont été marqués par une faible fréquentation, à telle enseigne que, pendant un court moment, la responsable de la formation, la Syrienne et très sympathique Rana Sabbagh, semblait hésiter à poursuivre les opérations. Il semble cependant que le bouche-à-oreille ait bien fonctionné, puisque, en fin de parcours, la fréquentation a considérablement augmenté. La formation s'est déroulée essentiellement en langue arabe, par des formateurs venus d'Egypte et de Jordanie, dont le niveau est assez remarquable, et il n'y a donc rien d'étonnant à ce que ce retournement de situation ait eu lieu. Bien sûr, il y a aussi l'objet de la formation qui a pu jouer son rôle : le journalisme d'investigation était le parent oublié de nos programmes de formation durant la période Ben Ali. Les professionnels de la plume et de l'audiovisuel dans le domaine de l'information tâtonnaient comme ils pouvaient, sans méthodologie, quand il leur arrivait de mener des travaux d'investigation, sans que quiconque ne songe à leur apporter l'aide appropriée. Et si des dérapages survenaient, on en profitait pour vouer le secteur aux gémonies et pour chuchoter dans les réunions des responsables politiques : "Vous voyez bien où cela nous mène de lâcher du lest!". Les éléments de connaissance fournis par Arij — dont l'équipe sera d'ailleurs de nouveau parmi nous à la fin du mois de juin pour une nouvelle session de formation réservée cette fois aux journalistes indépendants —, permettent aux journalistes de prendre en charge l'opération de l'investigation journalistique dans ses multiples dimensions, y compris juridique et financière, mais aussi rédactionnelle : ce qui signifie, en fin de compte, présenter au public un produit attrayant qui comporte des révélations utiles pour la résolution de problèmes dont souffre la société, et dont le bénéfice pour le média soit positif sur le plan de l'image, sans surcoût budgétaire. Indiquons pour finir que l'association Arij a un site web www.arij@net et qu'on y trouve tout un manuel en arabe, anglais et français : une véritable mine pour le journaliste fouineur.