• La cérémonie de remise du prix se déroulera cet après-midi à Dar Hessine C'est à un romancier saoudien qu'a échu le Prix Aboulqacem Echabbi, cette année. Il s'agit de Ibrahim Youssef Al Mohaimid. Peu ou pas connu chez-nous, le lauréat est réputé, dans tout le Moyen Orient, mais aussi dans certains pays européens comme la Grande Bretagne, pour être un romancier hors pair et d'envergure mondiale comme en témoigne la grande romancière américaine Annie Proulx. Aux Etats Unis, il fut révélé, déjà en 2007, grâce à la traduction de son roman «raihatou al fakhakh» sous cet intitulé «wolves of of crescent, moon» ou «les loups du crépuscule». La presse américaine l'avait alors perçue comme étant «l'œuvre romanesque saoudienne la plus grandiose». Ce fut pour Al Mohaimid, l'inauguration de sa notoriété. Le même roman est aussitôt traduit en français et édité par Actes Sud, sous le titre: «Loin de cet enfer», décrochant la consécration du journal Le Monde qui le qualifie de roman pionnier de la littérature saoudienne. Ce n'est pas tout, l'orientaliste italienne Monica Rocco est actuellement attelée à la traduction de la même oeuvre qui sera très prochainement publiée chez Aisara. C'est un roman d'un souffle humaniste remarquable que celui qui a fait accéder son auteur au Prix Echebbi. «Les colombes ne volent pas à El Bouraida», prétexte d'un vécu qui pourrait paraître anodin. Mais, la stratification intellectuelle dont procède sa construction lui confine une profondeur et une intensité qui se font de plus en plus rares dans la production romanesque arabe. Un roman de la proximité dans la mesure ou il décrit l'expérience de ses protagonistes, la déconstruit pour la reconstruire , mais aussi dans la mesure ou ces mêmes protagonistes sont débarrassés des partis pris, de tout ce qui encombre leur appartenance et leur identité pour les réconcilier avec leurs proportions humaines. Personnages vrais investis du doute, du sens critique et d'une telle modernité qu'ils en viennent à formuler de nouveaux idéaux, de nouvelles valeurs .C'est un roman qui célèbre la liberté, l'humanisme , non point comme un discours creux, mais comme un état d'esprit cultivé dans l'éveil à la réflexion, à la rationalité. Sachant la nature du milieu culturel et idéologique de ce projet, le mérite de l'auteur est pour ainsi dire plus grand, il relève même du courage intellectuel qui brave tous les risques d'exclusion, voire de bannissement. Al Mohaimid s'y aventure, fort d'une verve esthétique dont les atouts ne sont autres que son langage sobre, juste et sa plume coulante et entrainée à une écriture à plusieurs niveaux, ce qui la prédestine à une lecture profonde qui s'offre dans le double plaisir de l'intellect et de l'imaginaire, autrement dit qui confine tour à tour, au rationnel et à l'irrationnel. Le Prix Aboulqacem Echebbi a été fondé en 1984, par la Banque de Tunisie, à l'initiative de son président directeur général, à l'époque, M. Mabrouk. Il alterne les différentes expressions littéraires( roman, poésie, nouvelle, texte de théâtre). Depuis deux ans, la B.T en a confié la gestion au ministère de la Culture. Le prix est géré par un comité directeur et pour chaque session, un jury qualifié est nommé pour l'évaluation des œuvres candidates. Ouvert à tous les écrivains, poètes et dramaturges arabes, il est couru par un très grand nombre parmi eux, ceux qui vivent dans leur propre pays, comme ceux qui sont émigrés. Cette session du roman compte plus d'une centaine de candidats dont certains vivent en Australie ou en Allemagne...