• Un pacte de mobilité en cours de préparation Considérant que le futur modèle économique de la Tunisie démocratique ne peut être conçu sans son premier partenaire historique qu'est l'Union européenne, l'Association des économistes tunisiens a consacré un dîner-débat lundi 6 juin à Hammamet en marge de son colloque international. Cette rencontre a été l'occasion de débattre de points «chauds» dans les relations tuniso-européennes, liées notamment à la question de mobilité des personnes, aux incertitudes économiques et politiques dues à la vacance du pouvoir en Tunisie, et surtout au futur partenariat après la révolution. La Presse était sur place et a évoqué ces questions avec S.E. Adrianus Koetsenruijter, ambassadeur et chef de délégation de l'Union européenne en Tunisie qui considère d'abord que le partenariat est établi avant tout entre les peuples des deux rives et ne dépend pas totalement des régimes en place. Entretien. Dans un contexte d'incertitudes politiques et économiques sur le futur modèle de développement pour la Tunisie démocratique et compte tenu du manque de communication de part et d'autre sur la future relation avec les partenaires extérieurs, y a-t-il eu des contacts entre l'Union européenne et les partis politiques tunisiens, notamment ceux les plus connus jusqu'ici ? Et puis comment l'Union européenne voit-elle le futur de ses relations avec la Tunisie ? Oui, effectivement. Nous avons eu plusieurs visites de responsables européens qui ont essayé de rencontrer quelques politiciens pour écouter leurs visions et leurs points de vue. Et pour nous, le plus logique était de rencontrer ceux que nous connaissons depuis le début, c'est-à-dire avant qu'il n'y ait de changement révolutionnaire. Je citerai MM. Mustapha Ben Jaafar, Néjib Chebbi, des responsables de l'Ugtt,la Nahdha qui a un poids important dans le pays et le parti de M. Marzouki qui est revenu avec beaucoup d'intentions et qui était un opposant principal du régime de Ben Ali. Donc, c'est traditionnel pour nous de les rencontrer. Mais depuis qu'il y a eu création d'un nombre important de partis, on essaye de les rencontrer les uns et les autres, notamment ceux qui représentent des courants plus ou moins connus. Et ces rencontres étaient plutôt informatives sur leurs visions respectives plus qu'autre chose. D'après ces rencontres, avez-vous observé une différence de visions par rapport à l'ancien système en ce qui concerne les relations entre la Tunisie et l'Union européenne? Il y a des nuances. Mais sans exception, tous les partis politiques voient l'Europe comme partenaire important dans beaucoup de domaines, comme l'économie, la coopération… C'est une attitude plutôt d'intérêt constructif et je pense que cela va se développer avec n'importe quel parti au pouvoir. Pour l'Europe, on ne parle pas de favori et on est très content qu'il y a un seul favori, c'est la Tunisie démocratique. Donc, en présence d'un gouvernement un peu plus progressiste ou un peu plus traditionnel, ou un peu plus indépendant à l'égard de l'Europe, tout cela convient à l'Europe. Depuis plusieurs années, il y a eu pas mal de tension entre la Tunisie et l'UE à propos du dossier des libertés publiques, des droits de l'homme, de la liberté d'expression. Et cela constituait un blocage au développement des relations de partenariat. Maintenant, la situation est différente. Est-ce que la position de l'Union européenne va marquer un changement suite à cela, notamment en ce qui concerne l'investissement et les aspects économiques et surtout son statut futur? L'Europe a toujours voulu des relations poussées avec les pays démocratiques et respectueux de l'Etat de droit et des libertés fondamentales et on est très heureux que la Tunisie va dans cette direction, parce que cela facilite le contact non seulement entre gouvernements, mais surtout entre les sociétés. Et ce qui constitue la grande différence, c'est cette ouverture entre sociétés, entreprises, écoles et société civile. Cela va permettre de réussir les relations aussi bien pour la Tunisie que pour les Européens. D'accord. Si je vous dis maintenant que l'attitude de l'Union européenne concernant les migrants tunisiens via Lampadusa a choqué beaucoup de Tunisiens qui considéraient l'Europe comme amie, quelle serait votre réaction? Je le comprends parfaitement. En plus, ce sont des nombres limités par rapport à notre population de 500 millions. Et ce n'est pas l'Union européenne qui a rejeté ces jeunes Tunisiens… C'était une attitude de partis politiques dans plusieurs pays européens disant que tous les Tunisiens ne vont pas maintenant venir pour travailler en Europe, alors qu'ils ont maintenant un pays libre. Mais lorsque le rejet était sans même poser la question pourquoi, bien sûr c'était choquant pas uniquement pour les Tunisiens, mais aussi pour plusieurs Européens. Et il y a eu des réactions de l'intérieur de l'Europe disant que ce n'est pas du tout comme cela qu'on traite des gens qui sont venus même de manière illégale. Et je pense qu'il ne faut pas s'arrêter à ce niveau de sentiment. Nous sommes en train de voir d'ailleurs comment développer la mobilité entre les peuples. Et heureusement que notre commissaire pour la mobilité est venu en avril pour parler avec le ministre de l'Intérieur, justement pour créer une meilleure ouverture européenne pour les Tunisiens, d'une manière légale bien sûr. Car au fait, pour nous, c'est plus facile de donner des libertés de voyager en Europe pour les pays démocratiques, pas pour s'installer particulièrement, mais juste pour pouvoir voyager. Nous sommes d'ailleurs en train de créer un pacte de mobilité. Et il y a eu plusieurs visites de techniciens européens en Tunisie à cette fin. Ce pacte a pour finalité de faciliter la circulation de cadres, d'enseignants, etc.,mais pour réduire aussi l'illégalité.