Le grand patio de Dar Chérif, le Centre d'art et de culture de Sidi Jmour (Jerba), a accueilli, du 20 au 22 mai dernier, un mini-festival de danse baptisé «Danse à l'île». L'événement a été organisé par Hamadi Chérif, directeur du Centre, et Imed Jemâa, chorégraphe et fondateur de la compagnie «Théâtre de la danse», qui était accompagné par ses six danseurs professionnels. Encore une fois, et pendant les deux soirées, la magie a opéré dans ce lieu pur et beau, bercé par l'écho des vagues de la Méditerranée et le chuchotement du vent dans les branches des palmiers. Malgré les pierres de taille couvrant le patio et rendant peu aisés les pas des artistes, ceux-ci semblaient inspirés par l'espace et la nuit jerbienne. Issu des arts martiaux, Imed Jemâa fut le premier chorégraphe arabe à être consacré par un jury international en danse contemporaine. C'était en 1992 avec le spectacle «Nuit Blanche». En 1993, il forme sa troupe et s'acharne depuis à transmettre son crédo‑: donner à la danse un statut reconnu et professionnel. Par le travail rigoureux et constant, six heures par jour au minimum, et la nécessité pour les artistes de disposer d'une salle de répétition contiguë à une scène. Ainsi va la vie et l'évolution des danseurs, leurs exercices de style se nourrissant du contact régulier avec les spectateurs… Au gré des deux soirées, le public de Jerba a pu découvrir cinq pièces tirées du répertoire récent du «Théâtre de la danse» : «Corps à corps», «Est-ce que je peux danser ce soir?», «Hang», «Femmes parmi d'autres» et «Danse blue tooth et séquences vidéo». Imed Jemâa, comme toujours (un style, une voie), y tente de mélanger la fluidité de la danse contemporaine à la concentration et à la charge énergétique des arts martiaux autour de thématiques liées à l'errance, au huis clos des corps, à la communication et à sa négation et à cette pratique miroir de soi et de son identité qu'est la danse. Difficile gageure. Lorsqu'elle fréquente la contemporanéité, la narration devient bannie dans la danse... tout comme dans la peinture ou la littérature contemporaine. Il s'agit de raconter une idée, une émotion, une sensation mais en épousant l'abstraction pour laisser le champ libre aux diverses interprétations des récepteurs. Si, dans «Danse blue tooth», la compagnie interprète dans le mouvement l'idée de la nouvelle sphère de la communication multiforme, portable, Sms, réseaux sociaux, qui aboutit sur des solitudes au pluriel, «Est-ce que je peux danser ce soir?» raconte le mieux l'itinéraire nomade d'Imed Jemâa depuis presque vingt ans. Mad'Art Carthage accueille aujourd'hui l'artiste et son Centre chorégraphique méditerranéen. Imed a reçu l'année passée pour la première fois de sa carrière une petite aide à la création (neuf mille dinars), qu'il a départagée entre ses danseurs l'année durant. Il espère la saison prochaine recevoir une aide plus conséquente pour un projet, celui de continuer à former des danseurs pour qu'ils deviennent eux-mêmes chorégraphes de talent et ensuite pouvoir voler de leurs propres ailes. Autre projet, le mini-festival de cette année grandira en mai 2012. Il s'élargira pour associer plusieurs pays d'Europe, d'Afrique et du monde arabe. Un parquet sera aménagé au patio de Dar Chérif et «Danse à l'île» fera bouger encore mieux les palmes des arbres centenaires de tous les jardins aux alentours…