L'Institut arabe des droits de l'Homme et Freedom House ont organis, mercredi et jeudi derniers, une rencontre et une formation autour du rôle des archives dans la construction de la mémoire des dernières décades en Tunisie, en partenariat avec la Commission d'investigation sur les dépassements, les violations et les abus enregistrés lors des derniers événements. Le débat a été lancé par les interventions de deux expertes consultantes en matière d'archives : Trudy Huskamp Peterson, présidente du groupe Human rights working au sein du Conseil international des archive, et Monica Leonardo, juriste du Guatemala. L'objectif de cette rencontre initiée à la demande de l'Institut arabe des droits de l'Homme (Lamia Grar, directrice exécutive), avec la collaboration de Freedom House (Marwan Maâlouf, juriste, modérateur), est d'accompagner la transition démocratique en cours, productrice d'archives. La démarche répond à un des besoins de la Commission nationale d'investigation sur les dépassements, les violations et les abus, créée en janvier 2011. Cette instance se trouve en butte à des questions concrètes concernant la constitution des dossiers des affaires qui lui sont soumises et la nécessité de sensibiliser l'opinion à deux impératifs qui paraissent contradictoires : l'obligation de confidentialité dans la recherche de la vérité et la nécessité de conserver les preuves et les dossiers. Trois experts des Archives nationales de Tunisie ont participé à la rencontre, ainsi que des représentants de plusieurs associations intéressées par les mêmes questions. Une législation des archives existe en Tunisie, concentrée essentiellement autour de la loi du 2 août 1988 relative aux archives, qui a, par la même occasion, créé l'institution des archives nationales de Tunisie(ANT), rattachées au Premier ministère. Cette législation distingue les archives courantes, intermédiaires et définitives ; elle est à cheval sur l'usage administratif et celui de la recherche historique. Les ANT bénéficient depuis quelques années, d'une formation structurée d'archivistes et de documentalistes. L'Institut supérieur de documentation, affilié à l'Université de La Manouba et qui existe depuis 1981, forme à une maîtrise d'archivistique depuis 1988 et, depuis 1997, à deux DESS de management de bibliothèques et d'archives. Face au besoin des différentes commissions chargées d'investigation et de propositions, on se retrouve devant les difficultés inhérentes à la création des archives du temps présent. Comment clarifier les différentes étapes qui se situent entre la collecte, la conservation et le signalement de cette archive courante? Comment les organiser en vue de leur communication future, tout en préparant leur usage immédiat pour établir la vérité des faits? Comment concilier le droit de savoir à court terme avec la raison historique? Quelques mesures officielles sont venues répondre à la nécessité de communiquer les archives, les données et toutes sortes d'éléments d'information sur la marche de l'administration. Un arrêté présidentiel daté du 26 mai 2011, publié au Journal Officiel de la République Tunisienne (Jort 31 mai 2011) et soumis à l'Instance nationale de réforme de l'information et de la communication, entérine l'obligation de faire accéder toute personne morale ou physique à l'information. Les nouveaux supports de l'archive font aujourd'hui partie des questions concrètes qui se posent face à ce nouvel usage citoyen de l'information. Des témoignages de blogueurs ont permis d'inscrire le débat dans le contexte actuel des nouvelles technologies, productrices de contraintes et de procédures encore inédites pour les administrateurs, pour les membres des commissions comme pour les enquêteurs. Quand on sait que blogs et réseaux sociaux datent de moins de quinze ans environ et que la loi est toujours plus lente que la technologie, on se demande comment traiter et conserver les données virtuelles qui font actuellement la communication, la mobilisation et la liberté d'expression et quelle est la meilleure façon de les préserver pour l'avenir. Par ailleurs, Simone Othmani-Lelouche, présidente de l'Association pour la fondation Ahmed Othmani créée en février 2008, a rappelé que les archives des mouvements politiques et d'opposition tunisiens, maghrébins ou arabes, sont éparpillées chez des militants. Cette mémoire est importante pour l'écriture de l'histoire récente, et certaines de ces archives privées ont été déposées dans des institutions publiques françaises (Bibliothèque de documentation internationale contemporaine, archives nationales de France…). Programmer la reconstitution de ces fonds et les rendre accessibles un jour en Tunisie est une des tâches de cette transition démocratique, comme il est important d'utiliser les médias actuels et les nouvelles technologies pour collecter les fonds, interviewer les acteurs de ces mouvements, afin de capter ces matériaux précieux pour écrire l'histoire contemporaine. Conformément à la loi de 1988 qui consacre le chapitre 2 du titre I aux conditions d'acquisition et de traitement des archives privées comme archives historiques, les archives créées dans l'immigration peuvent contribuer à une recherche de la vérité, aujourd'hui à l'ordre du jour. En attendant de passer aux étapes de justice et de réconciliation. La journée du jeudi 23 juin a été consacrée à un atelier réservé à une première formation de membres de la Commission nationale d'investigation.