Les villes tunisiennes font face à des défis réels vu la croissance démographique, l'augmentation du parc automobile et l'extension urbaine. Les besoins sont multiples pour un tissu restreint qui n'est pas toujours en mesure de répondre aux exigences des citadins. L'état des lieux de l'extension urbaine dans notre pays montre que des lacunes existent dans plus d'une région. Elles se traduisent par un accroissement des disparités entre les régions du littoral et celles de l'intérieur, une déconnexion entre les politiques urbaines et l'aménagement du territoire et une forte concentration de «l'Etat central». Ainsi, pour ce qui concerne les disparités, l'on constate l'absence de régulation du développement économique entre les régions du littoral et les autres. Même les nombreux schémas-directeurs d'aménagement n'ont pas eu l'impact escompté sur les régions intérieures dont de nombreux habitants vivent dans des conditions précaires. Il s'est avéré aussi que la logique sectorielle des gouvernorats a contribué à limiter la mise en cohérence des actions de développement. Faible impact des études En outre, les politiques urbaines et l'aménagement du territoire souffrent d'un manque de coordination dans la mesure où les gouvernorats ont été conçus comme des prolongements de l'Etat central alors que les 264 communes sont régies par un système de tutelle, lui même géré par les gouvernorats et le ministère de l'Intérieur. Même la définition des politiques urbaines relève des ministères de tutelle comme le ministère de l'Equipement et de l'Habitat et le ministère de l'Intérieur pour les communes. Cette déconnexion a eu pour conséquence un faible impact des études d'aménagement du territoire. L'extension urbaine observée dans plusieurs communes se traduit, en fait, par l'absence de la maîtrise de la croissance urbaine et d'un manque de politique d'habitat social en plus de la spéculation foncière. Lors du séminaire sur «Les perspectives de l'environnement et du développement durable» organisé récemment à Tunis, un exposé sur l'aménagement du territoire a été présenté par M. Morched Chabbi, urbaniste. Celui-ci a mis en exergue les enjeux et les défis de l'aménagement du territoire. Les enjeux concernent le développement intégral des régions intérieures et celles du littoral, le faible impact des instruments de planification sur les projets et des études d'aménagement du territoire. D'importants défis relatifs à l'aménagement du territoire doivent être relevés pour avoir de belles villes où il fait bon vivre. Ces défis concernent la multiplication des conurbations dans les régions, la faiblesse des organes institutionnels et celle des ressources financières allouées par l'Etat pour les régions de l'intérieur. En plus, une inadéquation de la définition des régions par rapport aux exigences du développement a été constatée. Certaines régions connaissent le développement de conurbations. A titre d'exemple, le Grand-Tunis avait une amplitude spatiale de 10 km en 1960 pour passer à 50 km en 2011. Cette évolution spatiale favorisera dans dix ans la constitution d'une métropole englobant le Grand-Tunis, Bizerte, Nabeul, Hammamet et Zaghouan. Les villes de Nabeul-Hammamet avec Merezga constituent déjà une conurbation d'une vingtaine de kilomètres alors que les villes de Sousse, Hammam-Sousse, Akouda et autres localités sont en voie de constituer une zone urbaine. Ces conurbations poseront des problèmes d'organisation institutionnelle. Affiner le découpage régional Il s'est avéré que les gouvernorats ne disposent pas des ressources financières suffisantes, raison de l'absence de ces organes lors de l'approbation des schémas-directeurs. Même les Conseils régionaux constituent des systèmes institutionnels à caractère politique essentiellement. Quant aux collectivités publiques et locales, elles ne disposent que de 4% des ressources financières comparées aux ressources de l'Etat! L'argent mobilisé par l'Etat aux régions intérieures est assez faible. La répartition des investissements, avant la révolution n'était pas équitable dans la mesure où le littoral en profitait le plus. D'où la décision du gouvernement après la révolution de donner la priorité aux régions de l'intérieur en révisant les investissements. Les nouvelles orientations dans le domaine de l'aménagement du territoire consistent notamment à définir de nouveaux découpages au double niveau régional et communal et à doter les communes et les régions de moyens institutionnels et financiers, question de renforcer leurs capacités. Il est proposé également la création de communes rurales pour plus de proximité avec les habitants, d'affiner le découpage régional, d'élire des responsables et des membres des conseils de régions dans le cadre de la consécration de la démocratie. Il s'agit aussi de redéfinir le contenu des plans d'aménagement urbain et des schémas-directeurs dans le sens d'un développement cohérent des villes et des régions. Par ailleurs, les communes doivent bénéficier d'une amélioration de leur financement des projets de développement. Cet effort est à accompagner par une restructuration des collectivités territoriales, un renforcement de la décentralisation, une valorisation de la dimension régionale et une amélioration du taux d'encadrement dans les 264 communes lequel se situe à 14% tout au plus. La création d'un Fonds basé sur des financements diversifiés serait d'un grand apport. Des agences régionales peuvent être créées pour établir des contrats-programmes cohérents. Il serait utile aussi de créer des agences de planification régionale dont la mission est d'assurer notamment la coordination entre les différents intervenants.