Il est des phrases clés de l'histoire. Et ce n'est qu'après-coup qu'on en prend conscience. Ainsi le pape J. Paul II a pris sur ses épaules de dire aux peuples de l'Est : «N'ayez pas peur». Et il a donné de l'énergie à tous ceux qui pliaient sous le joug, dans des pays qui se disaient socialistes mais avaient dévié en lourdes dictatures. Cette phrase les a réveillés et les a portés, soulevés. Ils ont pris des initiatives et ils sont sortis en nombre dans la rue. Certes, la chute du mur de Berlin, c'est un phénomène complexe mais la portée de l'injonction «n'ayez pas peur» a été immense. Le détonateur La phrase fut le détonateur dans le cas précis des pays de l'Est car celui qui avait prononcé la phrase était issu d'un des pays concernés, la Pologne, et il jouait un rôle moral considérable. La phrase a réveillé la dignité et le courage de bon nombre de citoyens. Portée universelle Autour du rôle historique précis d'un soulèvement et de mots clés, a opéré un effet dynamisant. Au-delà de l'évènement, il y a le symbole et l'effet d'entraînement conscient ou inconscient. Cette phrase nous a tous travaillés, nous a interpellés. Elle a donné la main à ceux qui ont dit «Plus jamais peur» en Tunisie. Chacun avec son contexte, son émergence originelle et originale, chaque peuple prend son essor, à un moment qu'on ne peut prévoir. Mais la reconquête de la dignité et de la liberté, c'est universel, c'est inscrit dans l'histoire et la sociologie. On voudrait convoquer des adjectifs forts comme «irrépressible», «incontournable» et «définitif». On voudrait dire la force de l'esprit dans la matérialité des faits. «Les idées mènent le monde» mais souvent de façon souterraine et peu lisible. Or, parfois la force des mots et des idées est éclatante et souveraine.