Par Soufiane BEN FARHAT "Il est temps de s'inscrire". Encore faut-il s'inscrire à temps. Et, surtout, disposer des moyens adéquats. La campagne d'inscription sur les listes électorales a démarré lundi. Et c'est tant mieux. Elle se poursuivra trois semaines durant. D'une certaine manière, les élections de la Constituante du 23 octobre prochain commencent à prendre corps. Ne nous y trompons pas. Beaucoup de personnes doutent jusqu'ici de la praticabilité de ces élections. C'est-à-dire, d'une certaine manière, de leur véracité. Et pour cause : beaucoup de problématiques traînent encore, en suspens, comme autant de menaces sérieuses sur le processus électoral dans son ensemble. Dans certaines régions du pays, les violences se manifestent par intermittence. Des violences si cruelles et désastreuses qu'il a fallu décréter le couvre-feu dans trois villes au moins pour les enrayer. Et ce n'est pas encore fini. Parce que, ici et là, le feu rougeoie encore sous la braise. Par ailleurs, la visibilité politique proprement dite des élections faisait encore défaut. A telle enseigne que certaines voix se sont élevées pour réclamer le passage direct aux élections présidentielles et législatives. Entre-temps, elles préconisent le retapage de l'ancienne Constitution suspendue. Aujourd'hui, un certain dégel du statu quo a lieu. Ainsi, apprend-t-on que 27 sections régionales indépendantes ont été installées dans les différentes régions du pays. Chacune d'elles comprend 14 membres. Il leur incombe de veiller aux opérations d'inscription en cette première phase du processus électoral. Déjà, certaines personnes de ces sections ont été contestées, comme ce fut le cas à Testour il y a deux jours. Motif, lesdites personnes seraient, selon leurs détracteurs, des rcdéistes camouflés ou tapis dans l'ombre. Des médias en ont fait état. C'est dire la nature des difficultés réelles ou potentielles. On apprend par ailleurs que 2.107 personnes ont été recrutées afin de contribuer au succès de l'opération électorale. Un chiffre dérisoire eu égard aux besoins réels (plusieurs dizaines de milliers de personnes). Cela est d'autant plus problématique que le nombre d'électeurs escompté s'élève à 7 millions 900 mille personnes. En fait, plus qu'à tout autre moment, les élections de la Constituante prennent le virage décisif pour la ligne droite et la fin de l'épreuve. Il appartient à tous les Tunisiens, par-delà leur chapelle, de s'y investir à fond. Le succès, comme l'éventuel échec, de ces élections rejaillira sur tous, sans exception. Deux considérations y président. La première veut que ce soit une première mondiale. Pour la première fois dans l'histoire, une Instance supérieure indépendante pour les élections mènera l'opération de bout en bout. M. Kamel Jendoubi, président de l'Instance supérieure indépendante pour les élections, a été on ne peut plus explicite à ce propos. Il a déclaré avant-hier que "l'Instance supérieure entamera le travail en collaboration avec les ministères de la Défense nationale et de l'Intérieur, afin de réunir les meilleures conditions de sécurité en cette occasion pour garantir la réussite des élections, ajoutant que l'opération électorale se déroulera sous la supervision de la magistrature pour identifier tout abus ou dépassement". Soit. Etre indépendant ne signifie guère cultiver le solipsisme à tout bout de champ. Mieux, les pouvoirs publics et les corps constitués sont intimement liés à une opération qui engage le devenir du pays. Et c'est fort louable. Sur un autre plan, les Tunisiens sont fort conscients qu'il n'y a que le consensus qui paie. Jusqu'ici, la révolution tient la route à force de consensus. Certes, les débats et les échanges sont parfois tiraillés. On se tire à boulets rouges les uns sur les autres. Malgré l'aspect par moments dramatique des choses, personne ne s'en étonne outre mesure. Mais, dans tous les cas de figure, le consensus règne en dernière instance. Aucun responsable si haut soit-il dans la hiérarchie, aucun représentant à quelque titre que ce soit, n'a été élu. Ils tirent tous leur légitimité du consensus greffé sur le processus révolutionnaire. Les élections, dans leurs différentes phases et séquences, s'adossent à cette démarche consensuelle. Autrement, bonjour les dégâts…