Par Soufiane BEN FARHAT Etonnant. On est pour le moins stupéfait par l'allure que prennent certains échanges au sein du Conseil de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, la transition démocratique et la réforme politique. Une compatriote vivant à l'étranger faisait observer que nous autres, Tunisiens, avons la voix alto depuis la Révolution. C'est le cas depuis quelque temps au sein de la Haute Instance. Et cela s'accompagne, par surcroît, de cacophonie. Visiblement, les gens sont à bout. Ils ont les nerfs à fleur de peau. Ils n'en peuvent plus guère. Et ils étonnent. Et détonnent dans un semblant d'échange cruel et sans pardon. La déontologie du savoir-faire, le gentleman agreement, y perdent au change. Certes, on ne fait pas –sous nos cieux du moins —une révolution en dentelles, ni en gants de velours. On assume toutes les vicissitudes qu'impose le tempo révolutionnaire. Mais cela n'autorise guère, ni ne légitime, les sorties particulièrement frontales et même, parfois, violentes de certains protagonistes. Cela est de plus en plus manifeste. L'imminence des élections de l'Assemblée constituante y serait-elle pour quelque chose ? Peut-être bien, oui. Il ne faut en fait guère se leurrer là-dessus. L'enjeu électoral s'apparente à une bataille. Tout le monde prépare le ban et l'arrière-ban avant de s'y lancer. On fourbit ses armes, lesquelles, en pareilles circonstances, font feu de tout bois. On asticote jusqu'au dernier bouton de guêtre. Mais nous sommes encore relativement loin desdites élections. Devant intervenir le 23 octobre prochain, elles nous offrent un répit de deux mois et demi en fait avant le démarrage de la campagne électorale. Dans la logique des partis, le calcul s'inverse cependant. Quiconque voudra avoir une visibilité, devra s'y prendre dès maintenant. Quelques considérations non dites président à ce positionnement préélectoral. En premier lieu, beaucoup de partis ou presque préfèrent juger leur potentiel électoral en solo. Ce qui diminue, sans l'effacer, le spectre des fronts. Par ailleurs, la chasse aux électeurs et sympathisants semble bien s'être amorcée dès l'ouverture de l'échéancier des inscriptions sur les listes électorales, ce 11 juillet. Toutefois, il est pour le moins surprenant que les partis politiques ne se soient pas déjà amplement impliqués dans l'exhortation des électeurs potentiels aux inscriptions sur les listes électorales. Cela est d'autant plus manifeste que, ces derniers jours, plusieurs avaries ont retardé ou entravé le lancement desdites inscriptions. A l'échelle du vécu, cela est patent. Dans les quartiers, les agglomérations, les cafés, les lieux de travail, l'instance partisane proprement dite n'est pas omniprésente. Elle donne l'impression de s'initier et de se rappeler plutôt timidement au bon vieux souvenir du monde. Mais ladite instance partisane n'en considère pas moins la période à venir comme étant la ligne droite de fin de course. Alors, les uns et les autres dramatisent outre mesure par moments. Et s'énervent. Ce qui explique que des amis de longue date se soient emmêlés dans des joutes, voire des accusations tantôt déplacées tantôt gratuites. En fait, cette logique de la ligne droite fait frémir les partis. Paradoxalement, le temps électoral est toujours très court. Mais il semble que certains de nos partis redoutent d'être disqualifiés bien avant terme. Raison pour laquelle ils jouent la surenchère. Du genre plus radical ou querelleur que moi tu meurs. Les sondages d'opinion faisant état d'une très grande masse de Tunisiens n'ayant pas déjà arrêté leurs préférences partisanes en rajoutent à la confusion. Ce ne sont guère des supputations. Le constat s'impose. Plus les élections se rapprochent, plus certains partis se tirent les uns sur les autres à boulets rouges. Nos braves gentlemen s'énervent. Et la convivialité y perd en teneur.