Il y a de ces personnes avec lesquelles on ne s'ennuie jamais. De football, ils n'en parlent presque pas mais dès qu'on remue de vieux souvenirs, c'est un véritable flot d'images, d'anecdotes et de photos parfois en noir et blanc. Souvenirs d'exploits, de matches, de buts, de victoires, de défaites mais aussi d'amitiés. Après Mohsen Habacha hier, nous voilà avec Majid Ben Mrad, l'idole des «Sang et Or», toutes générations confondues. Ben Mrad a été un grand et il le reste par sa modestie et par cette immense cote d'amour dont il bénéficie. Et pas uniquement dans les milieux de l'Espérance. «Mes idoles» Quand Majda parle de l'Etoile, il en parle d'abord avec beaucoup de respect‑: «L'Etoile, c'est tout d'abord un grand club et de grands joueurs dont certains étaient mes idoles, tel le regretté Mahmoud Kanoun. Puis, il y avait Mahfoudh, le pivot, Chetali le maestro, Menzeli, un très grand ailier droit, Ben Amor, un redoutable avant-centre, et plus tard Jenayah, un fin technicien, très combatif. Voilà mon souvenir de la grande Etoile». Et son premier match contre l'Etoile : «Si mes souvenirs sont bons, c'était le troisième ou quatrième match de ma première saison en séniors à l'Espérance. C'était l'année 1966-67. Nous nous étions imposés par 3 à 1, but de Aouini, Machouche et moi-même. Je ne me rappelle pas très bien le nom du buteur de l'Etoile mais c'était peut-être Akid» En évoquant ensemble les insupportables tensions depuis déjà quelque temps entre l'Espérance et l'Etoile, Ben Mrad préfère ne pas trop s'attarder sur le sujet: «Tout ça est ridicule. A l'époque il n'y avait pas de régionalisme et le seul enjeu était celui de jouer contre une grande équipe. Entre l'Etoile et nous, c'était chacun son tour et aucune équipe ne dominait vraiment l'autre. C'était chaud, serré, combattu mais ça ne débordait jamais. Je me rappelle qu'avant d'aller à Mellassine s'entraîner avec le COT à l'époque où othman Jenaïeh étudiait à la Fac à Tunis, celui-ci a d'abord commencé par s'entraîner avec l'Espérance. Mais, pour des questions pratiques, il a atterri au club de Mellassine. Aujourd'hui, ce genre de truc n'est même pas envisageable et c'est bien dommage car c'est ce qui reste en définitive du sport». Abdelmajid Ben Mrad va encore plus loin, revient dans le temps et évoque un souvenir à Korbous‑: «Etoile et Espérance étaient réunies en stage bloqué à Korbous. Nous habitions et vivions ensemble et il était difficile pour un supporter de distinguer entre les joueurs de ce camp ou de l'autre. Pas de clans séparés, pas d'animosité, de la franche rigolade et beaucoup d'amitié». L'ami Mohamed Zouaoui Vous avez dit amitié? Oui amitiés au pluriel, durables, à vie. «Le regretté Mohamed Zouaoui, le plus grand pivot défensif tunisien était mon plus grand ami. Paix à son âme. Mais il n'y avait pas que lui : Adhouma, Melki, Jenayah et plus tard Hédi Ayèche et Slah Karoui étaient et sontencore mes amis. Plus d'enjeux, plus de buts, plus de trophées mais des relations humaines, vraies, solides». Amitié et respect : «J'en ai beaucoup pour Habacha, Mahfoudh et Chetali. Des grands». «Pardon Bakaou!» «Des duels, il y en a eu à la pelle. Des joies mais aussi des regrets. On jouait contre l'ESS, notre entraîneur était Hmid Dhib et les consignes étaient claires : étouffer Bakaou. J'avais pour d'autres consignes d'évoluer en pivot et le marquer quand le ballon était chez l'Etoile et d'avancer d'un cran en tant que second avant-centre quand l'Espérance était en possession du ballon. Samir Bakaou était à l'époque au sommet de son art, intenable. Il m'a réellement fait souffrir et je n'avais d'autre solution que lui donner un coup de poing qui l'a sorti du match. Ce coup de poing, je l'ai beaucoup regretté et l'occasion m'a été offerte l'an dernier de lui présenter mes excuses. Qu'il a acceptées. C'est un véritable poids dont je ne suis débarrassé». Qui s'imposera aujourd'hui? «Je serais heureux et malheureux dans les deux cas. Heureux si l'Espérance devait s'imposer et malheureux si l'Espérance devait perdre. Malheureux aussi si l'Etoile perdait car mon petit-fils, Hédi Chébil est… étoiliste». Sacré Majda ! Sacré football !