Etre tunisien ne passe plus inaperçu, ces temps-ci, à Paris. Si vous flânez dans les rues parisiennes et on découvre que vous venez du pays d'Hannibal, référence lointaine, mais toujours présente pour notre pays. Ceux qui portent la «petite et belle Tunisie» dans leur cœur, et ils sont fort nombreux, vous posent beaucoup de questions, directes et sans détour, et sans gêne également. Ils veulent tout savoir et paraissent plus impatients que les Tunisiens eux-mêmes pour que cette situation transitoire aboutisse à une nouvelle strate dans la civilisation tunisienne. Passé lointain et futur proche sont à leurs yeux unis pour que notre pays retrouve sa place comme creuset de toutes les cultures méditerranéennes. Sur la place de la Madeleine, ce haut lieu du tourisme gastronomique où se sont implantées depuis plus d'un siècle, les épiceries fines et les magasins qui débitent des denrées hautement gastronomiques, les questions prennent la force d'une véritable interpellation. Chez Hédiard (créé en 1854), le proposé aux fruits exotiques, tunisien de souche et français de culture, attend que les figues de Carthage, ces fameuses délices qui ont scellé le sort de la prestigieuse cité punique, soient désormais présentes sur ses étals. Les responsables de Fauchon (1886) s'étonnent de ne pas voir les poutargues de Bizerte figurer parmi les poissons séchés de luxe qui sont vendus par leur établissement plus que centenaire, ceux qui savent que ce lieu n'est pas uniquement la vitrine de la France, mais de toute la planète gastronomique également. Une petite visite chez Nicolas, le marchand de vin parmi les plus vieux de Paris — car il existe depuis 1822 — vous fait tourner la tête —. Tous les vins de tous les pays y sont présents sauf celui du pays de Magon ! Les gérants de ces commerces, qui fonctionnent comme des franchises, savent que ce sont nos ancêtres qui ont planté des vignobles dans nombre de pays entourant la Méditerranée. Alors, ils s'étonnent de notre absence. La situation tourne au désarroi quand vous faites le tour des rayons de «Oliviers & co». Cet espace dédié à l'huile d'olive et ses dérivés. Figurez-vous que le quatrième pays producteur d'huile d'olive au monde n'y est pas ! Dans cette petite boutique où des touristes de toute la planète se bousculent, où de minuscules bidons en fer blanc de 500 mml sont proposés à plus de 30,000d l'unité, la Tunisie, pays de l'olivier, est absente. Le gérant-caisser s'étonne lui aussi de notre absence. Peut-être que nos producteurs et nos conditionneurs manquent de lucidité ; ils ne savent pas ou peut-être ne veulent pas se conformer aux impératifs du marketing moderne. Tout est question d'image, et notre pays est en déficit d'image, sur ce plan ô combien important. Quand la Tunisie fait l'objet de tous les égards sur les plateaux de toutes les chaînes françaises sans exception, elle demeure pratiquement inconnue dans les milieux du tourisme de qualité, culturel et gastronomique. Tous ceux qui s'en occupent, nous interpellent vivement. Ils attendent de nous de changer de mentalité, en privilégiant la qualité sur la quantité et nous demandent plus de transparence et plus de visibilité pour nos produits que certains jugent parmi les plus singuliers et les meilleurs au monde. Que nos intervenants et nos professionnels touristiques entendent leur appel d'une bonne oreille !