Par Dr Fethi El Mekki Il paraît qu'en tombant amoureux, on perd les pédales et ses repères. Depuis ce fameux 14 janvier, certains Tunisiens, quoique un peu tardivement, ont brutalement découvert, tôt le matin au réveil, qu'ils aimaient leur pays, la Tunisie, avec une passion dévorante. Et on sait tous que lorsque l'amour devient passionnel, il égare la raison, fait perdre l'esprit et nécessite une attention et une énergie de tous les instants. C'est la passion parasite. Que Dieu nous en préserve !! Depuis le 14 janvier, ces nouveaux amoureux, victimes d'un déficit de diplômes et de position sociale, loyaux et racés, virtuoses du rasage des murs, durant 23 années, durant lesquels ils ont exhibé leur petitesse, ont décidé de déclarer leur amour bruyamment et surtout de déployer leur grandeur avec majesté. Ces seigneurs de guerre, spadassins calamiteux, à la tête d'un syndicat absout et sanctifié et dont le nom est synonyme d'amoralisme, d'intrigues, de complots, d'opportunisme, de compromissions, dans le passé de solidarités inavoués, adroit en détour, fertile en manèges et souterrains et dont l'envers du décor est un dédale de corruptions obscures, ont décidé de réduire notre Tunisie à nous, à un tas de rien du tout. Curieusement, on les voit apparaître, à tour de rôle, à la télévision, pour justifier l'injustifiable et nous faire admettre l'inadmissible. Ils essayent de nous expliquer tout en sourire et en douceur, pourquoi ils sèment le désordre, pourquoi ils désordonnent les institutions étatiques et privées et surtout pour qui ils ne roulent pas, c'est à dire pour eux-mêmes… Bref, ils disent à peu près tout et son contraire. Ne dit-on pas que l'amour rend aveugle ? Zeus a parlé. Sa foudre est tombée. Il ne reste plus qu'à s'exécuter. 1,65 mètre au bas mot, épaules carrées, cheveux ras, regard martial, pas de doute ce sont des garçons. Le contentement leur sortant par tous les pores de la peau, les yeux mi-clos leur donnant un air de perpétuel conspirateur, la bouche gonflée par une hypocrite arrogance et toutes dents élimées dehors, ils affichent le sourire de la trahison, tout en ensevelissant leurs vis-à-vis sous les gentillesses. Que voulez-vous ? C'est le genre d'hommes à attaquer des compliments à la bouche et des cadeaux pleins les mains. La Tunisie titube. Des centaines de chômeurs sont déversés dans la rue, chaque jour, suite aux grèves et aux malheureux sit-in, qui ont démarré pour la petite histoire le 17 janvier. Quel beau geste !! Quelle bravoure !! Ces gladiateurs nés se sont rués dans l'arène à peine deux jours après la fuite de notre monstre bien-aimé et la famille royale. On n'a même pas compris ce qui est arrivé, que ces roquets se sont introduits dans la brèche, comme si tout était minutieusement bien préparé… Bon Dieu, mais comment ont-ils fait pour se réunir, se concerter et déclarer la grève aussi rapidement ? Alors que le pays était à feu et à sang et totalement désorienté… Pour ces amnésiques et ces autruches, c'était le moment idéal pour faire leur retour en fanfare. Quelle intelligence ! Quelle imagination ! Quelle créativité ! Quel sens politique, ces garçons sont extraordinaires !! Ces consciences délicates et consciencieuses bénéficiant d'une curieuse impunité devraient impérativement dissoudre ce conglomérat d'opportunistes de pacotille établi, marchand, de grand commerce et de faible scrupule. Ces porteurs de paniers lourds, ces troubadours, tels les petits chanteurs de Vienne, qui ont entonné inlassablement depuis un certain mois de novembre 1987, des concerts de louanges et d'adoration mémorables, auquel personne n'était en mesure de résister, et bénéficiant des avantages de la carence de la mémoire collective, auraient dû tout d'abord exhumer les cadavres cachés dans leurs placards et rendre compte de la colonne de profits autorisés par la providence. 20 juin 2011, cinq mois plus tard, c'est le règne de l'anarchie et de la gabégie. Au nom de la transparence, ces bestiaires ont engagé la chasse au gaspillage des gommes et des crayons. Fort agités, la tête encombrée comme un grenier, multipliant les procédures exotiques et superflues, aux humeurs pétitionnaires et protestataires, ils affirment avec la flamme des saintes vierges martyres être étrangers à cet étrange cirque et en même temps, qu'ils font ça dans l'intérêt de leur pays. Ces adolescents à perpétuité, ces cabotins auxquels on devrait tirer l'oreille respectueusement et leur expliquer qu'en politique c'est comme en amour, il est des étapes à respecter, seraient victimes d'une brutale poussée de testostérone et d'endorphine et qui leur monterait à la tête comme du champagne. La Tunisie vacille. Notre tissu économique est en train de s'effriter, tous les indicateurs sont au rouge, les investisseurs étrangers sont en train de déguerpir et le manège continue de plus belle. Comme une machine bien réglée et bien huilée, les grèves se suivent et se ressemblent, à une cadence régulière, d'une manière bien synchronisée et hautement douteuse. On touche le fond qui est bien profond, on se frotte les yeux, on se bouche les oreilles et ces hommes orchestres continuent à nous endormir d'une main et à nous poignarder de l'autre. Du grand art. De Tunis, nous voici rendus à Palerme du temps des grands bandits. La Tunisie est à genoux, nous sommes devant cet abîme, pris de vertige. Pauvre de nous… Chers messieurs, vous pouvez être sûrs que la patrie ne vous saura pas reconnaissante, car vous avancez sans cœur ni tête, prêts à tout pour exister envers et contre tous. Au début de ce carnaval, on a eu un haut-le-corps, aujourd'hui on a un haut-le-cœur, car rien n'est plus dangereux qu'une idée, quand on a qu'une seule idée. Vous devriez recevoir la médaille d'or de la traitrise, car question trahison, vous ne manquez pas de souffle et il ne fait aucun doute que, en d'autres temps et sous d'autres cieux, vous auriez reçu la visite fort aimable de l'exceptionnel Dr Joseph Guillotin, car vous illustrez merveilleusement bien le proverbe «Qui trahit, trahira, mais en plus grand». Avec votre mentalité de supérieur, vous ajoutez au désastre économique le déshonneur national. Prodigieux et lumineux, vous pourriez aspirer au maximum, si le vent du sud tourne en votre faveur, au poste de ministre des tourments et maléfices. Malgré toute votre bonne volonté, vous sombrez dans l'abject et la sottise, votre emballage est trompeur et vous avez prouvé que vous pouvez tenir fort longtemps sous une averse de crachats…On ne peut pas grandir ceux qui s'obstinent à toujours rapetisser… Vous n'êtes plus qu'une ombre de vous-mêmes, que le sépulcre, de votre malheureuse vie syndicale, attend… Nos plus sincères félicitations. Les trompes de l'hallali doivent impérativement sonner pour cette filoucratie institutionnalisée, à la politique ubuesque, qui tire à profusion des feux d'artifice d'irrespect envers la Tunisie, notre Tunisie et ses honnêtes citoyens… Chers messieurs, il n'y a rien de plus important que de restaurer le travail comme une valeur cardinale. Dans un monde qui bouge à toute vitesse, l'immobilisme est la posture la plus risquée et celui qui ne construit pas son avenir est condamné à le subir. De par notre délicate position, Il faudrait mettre en œuvre la culture du travail, du résultat et de la méritocratie et non pas celle des revendications et de la médiocratie. Etre au plus au haut niveau exige un engagement total et permanent et surtout de travailler avec zèle, dévouement et abnégation. Il paraît que dans un peu plus d'un mois, c'est le mois de Ramadan, qui sera immédiatement suivi par la fête de l'Aïd El Fitr, et que dans trois mois c'est la rentrée scolaire. Il paraît aussi, d'après une source digne de foi, que chacun d'entre vous subviendra bénévolement aux besoins (matériels bien évidemment) d'un groupe d'enfants dont les parents ont été licenciés suite à vos ingénieuses revendications. Le rôle du politique c'est de faire bouger les choses dans le bon sens et de proposer un avenir et de le permettre, avec vous, c'était loin d'être le cas. Vous n'avez pas été visionnaire et pour être un exemple, encore faut-il être exemplaire, c'était aussi très loin d'être le cas. De grâce, démissionnez.