• Voyager en train représente un risque réel pour les usagers Le 24 septembre dernier, un drame secoue la banlieue sud. Les conditions atmosphériques sont mauvaises et il pleut et vente sur la ville de Hammam-Lif. Dans l'après-midi, une collision survient entre un train sortant de la banlieue sud et allant vers Tunis et un train longue distance en provenance de Sfax qui a été obligé de s'arrêter à Bir El Bey à cause du manque de visibilité. Le choc est très violent et provoque une dizaine de morts. Certes, c'est le mauvais temps qui a obligé l'un des conducteurs de train à s'arrêter à Bir El Bey alors qu'il n'y a pas de station, mais c'est un défaut de signalisation qui est en réalité à l'origine de l'accident. Quelques mois après, à la fin du mois de juillet, un autre accident survient. Cette fois, un train sortant de Tunis et allant à Borj Cédria percute un autre train venant dans le sens inverse. L'accident a lieu à la sortie de Borj Cédria. Encore une fois, c'est un défaut de signalisation et un dysfonctionnement de la balise de sécurité qui sont à l'origine de l'accident. Souffrant d'un excès de fatigue, l'un des conducteurs ne fait pas attention au feu rouge (carré fermé) et le brûle. Or lorsqu'un conducteur brûle un feu rouge, il y a un dispositif de sécurité qui doit être automatiquement actionné. Une balise de sécurité située sur la voie est supposée assurer le freinage automatique d'un train qui brûle le feu rouge alors qu'un signal rouge doit s'allumer pour le train venant dans le sens contraire afin que ce dernier ne sorte pas de la gare. La balise de sécurité n'a pas fonctionné, et le train a continué sa route sans que le freinage automatique n'ait été actionné et au lieu de passer au rouge, le feu est passé au vert pour le train venant dans la direction contraire, ce qui explique le fait que la collision ait eu lieu à la sortie de Borj Cédria et non à l'entrée de la gare comme ce qui a été déclaré jusqu'ici, affirme le conducteur adjoint Issam FItati, de la Société nationale des chemins de fer (Sncft).Tant que la société ne changera pas sa stratégie qui montre des défaillances à plusieurs niveaux, d'autres accidents de train continueront à survenir, souligne cet aide-conducteur mécanicien, travaillant depuis onze ans pour la société. A commencer par la gestion des ressources humaines. La plupart des conducteurs de train n'ont droit qu'à une semaine de congé par an et accumulent les voyages longue distance sans se reposer. «C'est ce qui explique le fait que certains chauffeurs, lorsqu'ils conduisent, se trouvent dans un grand état de fatigue», explique le conducteur adjoint. Les conditions de travail laissent également à désirer. Outre les voitures de service qui sont très mal entretenues (sans visite technique), trois conducteurs de train ont trouvé la mort en entrant dans les dépôts de la Société du fait de la courte distance séparant les rails de la grande porte d'entrée qui donne elle-même sur la route, ce qui expose les chauffeurs au double risque d'être victimes soit d'un accident de train ou d'un accident de la route. «Une passerelle devrait être aménagée pour éviter aux conducteurs de train de traverser les rails et la chaussée», propose M. Issam Eddine Fitati. Le mauvais aménagement de la gare serait, par ailleurs, responsable, des accidents de train qui surviennent. En effet, les grandes voûtes de la gare qui protègent les stations ont été conçues en forme de U au lieu du traditionnel V adopté dans toutes les grandes gares européennes, ce qui présente le double inconvénient de ne pas protéger suffisamment les stations du soleil, ce qui acculerait les usagers à se rapprocher trop près de la voie pour rechercher de l'ombre, par ailleurs, elles cacheraient en partie les feux de signalisation, créant, ainsi, un problème de visibilité pour les conducteurs de train. La formation poserait également défaut. Les conducteurs de train suivent une formation théorique et pratique pour apprendre comment conduire les machines, les dépanner, et comment maîtriser la vitesse au niveau des points de ralentissement. Au lieu de durer six mois (180 jours), la partie pratique ne durerait en réalité que 24 jours, poussant des agents en formation, alors qu'ils ne sont pas autorisés, à conduire en secret, afin de pouvoir maîtriser la conduite de l'engin moteur et obtenir ainsi leur certificat d'aptitude professionnelle (CAP) à la fin du stage de 24 jours. Au cours de cette formation, le conducteur adjoint Issam Fitati s'est rendu compte que la partie théorique était truffée d'erreurs, en dénombrant au total plus de vingt. L'un des chapitres comportant des fautes concernerait celui de la signalisation. Ainsi, l'accident de Bir El Bey s'expliquerait par le fait que le conducteur aurait donné une mauvaise indication à l'agent chargé de la signalisation, en faisant la confusion entre le carré représentant le sémaphore fermé non franchissable (le chauffeur s'arrête et ne sort pas) et le sémaphore fermé (le train s'arrête et ensuite sort et marche à vue) tel qu'enseigné au cours de la formation. «Il y a une mauvaise maîtrise de la signalisation par les conducteurs et les signalisateurs qui constitue une des causes des accidents survenus ces derniers temps». Une autre défaillance que tient à signaler notre interlocuteur concerne les locomotives des trains de longue distance qui disposent d'une seule cabine au lieu de deux, créant un grand problème de visibilité pour le conducteur qui se trouve obligé, au retour, de surveiller la voie par le biais du rétroviseur pour être sûr qu'elle est dégagée, du fait du non fonctionnement de la plaque tournante. Enfin, le règlement de la Sncft relatif à la signalisation ne serait pas non plus exempt de défauts relève, en outre, le conducteur adjoint. Ce dernier a bien envoyé l'année dernière un rapport présentant à l'ancien président-directeur général de la société ainsi qu'au ministre des Transports l'ensemble des défaillances responsables des risques qu'encourent les conducteurs de train ainsi que les usagers. Mais ce rapport est resté jusqu'à aujourd'hui lettre morte.