Ramadan n'a pas failli à la tradition, en dépit de la révolution de la liberté et de la dignité qu'a connue le pays depuis le 14 janvier dernier. C'est qu'en fait, la ville a repris ses traditions d'antan auxquelles l'on ne semble guère renoncer, notamment la consommation de la Maâdhba, un délice dont seuls les Keffois connaissent le secret et le goût raffiné et relevé. Fabriquée à base de farine mélangée de beurre frais et de sucre aromatisé, ce gâteau spécial attire de plus en plus les consomamteurs qui s'empressent, le jour, à faire leurs emplettes, ne renonçant nullement à la sempiternelle frénésie des achats pratiqués au cours du mois saint. Cette tradition a, d'ailleurs, résisté à toutes les pressions, aux recommandations des médecins et aux histoires d'endettement qui ont souvent provoqué bien des tensions familiales. Ramadan, cette année, semble tout de même quelque peu différent d'autant plus que les prix des produits à la consommation ont pratiquement tous augmenté, excepté les produits compensés. Les légumes sont à un niveau plus élevé que d'habitude. Les fruits, quant à eux, grèvent le budget familial alors que les eaux minérales, qui se font de plus en plus rares, ont atteint un nouveau palier. Et pourtant l'on n'arrête pas de mettre la main à la poche, advienne que pourra. Il n'y a d'ailleurs qu'à regarder les étalages alléchants et bien approvisionnés pour comprendre que le commerce va toujours bien en ce mois. Autre bémol, le prix des œufs de ferme et des volailles, à la différence de ceux issus de l'élevage industriel, s'est envolé d'une façon vertigineuse avec un pic de plus d'un dinar les quatre unités, alors que le poulet se fait rare et son prix est inabordable. Côté boulangerie, c'est la ruée. Les Keffois achètent surtout les pains spéciaux comme la fougasse, une galette préparée à base de semoule, assaisonnée à la fleur d'oranger, le tout surmonté d'un œuf cuit au feu de bois ou au four traditionnel. Aux paquerettes alors, le pain ordinaire ! En dépit des contraintes boursières une tentation est grande en ce mois où tous les dérapages financiers sont permis. Et pourtant, l'aspect religieux n'a pas été épargné. Les prêches, devenant libres et à durée indéterminée, sont toujours de rigueur. Les mosquées de plus en plus illuminées, contrairement aux artères de la ville de plus en plus sombres, attirent les fidèles, faisant du mois saint une occasion renouvelée pour purifier les âmes et raffermir les liens de solidarité et d'entraide entre les catégories sociales, nobles valeurs que notre auguste religion a toujours prônées.