Un super documentaire sur feu Mohamed Bouazizi est en train de voir le jour. Il en est même au stade de la finition. Il est signé Mohamed Zran. Ce documentaire s'appelle «Dégage!». Le vocable «Dégage» appartient au lexique désormais bien trop long de la langue de bois de la Révolution. Au même titre qu'une ribambelle de mots tels que «Ethaoura El Moubaraka», le «Président déchu», «Ennidham El Baâed», etc. Feu Mohamed Bouazizi, lui, est l'icône plutôt populaire de la révolution. Tellement populaire, que bien des intellectuels se gardent bien aujourd'hui de parler de ce martyr en tant que héros absolu, qualifiant plutôt son décès tragique de facteur essentiel qui a accéléré le salut. Une étape parmi d'autres. Bref, «Dégage», le documentaire qui raconte la vie de feu Mohamed Bouazizi, est forcément une copie kitch de la Révolution tunisienne, s'empresserait de dire un intello qui a tout compris depuis le 14 janvier à minuit. Que non, répond notre cinéaste, imperturbable, parce que c'est son tempérament. Mohamed Zran explique en effet que rien de vrai n'a été dit sur Bouazizi, ni avant, ni pendant et ni après son immolation par le feu. Ni son enfance compliquée, ni son éducation, ni sa vie, ni sa famille, ni son rapport avec les gens, l'argent et les autorités. Il expliquera qu'aujourd'hui certains ont voulu et on réussi à souiller son image et celle de sa famille. Les ex-RCD essentiellement qui détenaient tout et qui n'ont aucune envie que la région de Sidi Bouzid connaisse d'autres héros, d'autres figures et un autre destin. Il expliquera que sa famille, digne, ne demandait pas un sou aux télévisions étrangères qu'elle recevait par dizaines. Cette famille qui, au bout du compte, a préféré fuir Sidi Bouzid et se réfugier dans une zone populaire de La Marsa. Fuyant un enfer de harcèlements divers et de rumeurs. C'est du moins ce que signe et persiste à dire ce cinéaste engagé dans le filmage des couches populaires. Mohamed Zran sait de quoi il parle. Il a passé plus de deux mois à filmer. Il a deux heures et demi de matière exploitable. Il n'en gardera qu'une heure et demie. Son documentaire, il va falloir l'attendre, car il promet de dire tout ce qu'on a toujours voulu savoir sur Bouazizi sans oser le demander. Juste après le documentaire, la fiction. Car Mohamed Zran est en train de s'échauffer avant d'attaquer incessamment un gros morceau : Mohamed Bouazizi le film. C'est pour cela qu'il n'a pas le droit de rater ce documentaire qui promet d'être saisissant. Nous avons vu quelques images. Elles vous frapperont.