Par Mohamed Saadaoui * Je me propose dans cette rubrique de commencer par une analyse sémantique des deux termes suivants : la révolte et la révolution. Ces deux mots ont le même préfixe, mais ils n'ont pas le même sens. Si la révolte est une action violente par laquelle un groupe tente de détruire l'autorité politique ou la règle sociale, la révolution signifie un renversement du régime politique accompagné de grands changement sociaux. D'après cette analyse, on déduit que les Tunisiens ont gagné une révolte par le détrônement de Ben Ali et sont en train de marcher vers la révolution qui portera les fruits de la démocratie. L'immolation de Bouazizi a mis le feu aux poudres. Le peuple tunisien à longtemps souffert de l'oppression exercée par la dictature de Ben Ali. La ségrégation des régions intérieures était intense, les habitants vivaient dans des conditions humiliantes, la pauvreté et la misère s'étalaient sur une grande masse de la population. Aussi, le taux de chômage est trop élevé, touchant des milliers de diplômés universitaires. La révolte s'est déclenchée le 17 décembre 2010 sous forme de revendications sociales. Mais le discours présidentiel du lundi 10 janvier 2011 a marqué un tournant, en surexcitant les révoltés, discours au cours duquel le président les a considérés comme des terroristes. Cette attribution était décisive puisqu'elle a causé un transfert de revendications d'aspects sociaux à une protestation contre le pouvoir de Ben Ali. En plus de cela, le recensement de nombreux martyrs a creusé une grande faille entre le gouvernement et le peuple. A ce stade, et malgré les concessions signalées lors de l'allocution télévisée du jeudi 13 janvier 2011, les protestataires ont fait la sourde oreille et ont persisté en scandant le slogan «Ben Ali, dégage». Tout d'un coup, et dans des circonstances ambiguës, le président s'enfuit le vendredi 14 janvier 2011. Le lendemain, Mebazaâ est proclamé président de la République par intérim en vertu de l'article 57 de la Constitution. Quelques jours après, dans un climat d'anarchie, le Premier ministre Ghannouchi nomme un gouvernement d'union nationale composé de diverses directions politiques. Mais, la désignation des rcédistes à la tête des ministères de souveraineté a provoqué un mécontentement chez les Tunisiens. Ceux-ci ont organisé des caravanes de liberté à partir de différentes régions vers la place de La Kasbah à Tunis pour exprimer leur refus, de crainte que leurs rêves démocratiques ne soient avortés. Cinq jours après, Ghannouchi a obéi à la voix du peuple quand qu'il a délibéré une nouvelle liste gouvernementale sous le nom de gouvernement transitoire temporaire. Justement, ce pas a calmé l'attention populaire, comme il a restauré quelque part la confiance entre le ctoyen et l'Etat. En effet, ce parcours glorieux élaboré jusqu'à maintenant fait partie d'une révolte puisque nous avons refusé tout un statut sans que nous dressions un plan «B». Alors, il faudra six mois plus tard pour réaliser une révolution. Comment peut-on se convertir de la révolte à la révolution ? A coup sûr, conserver les acquis de la révolte est une obsession pour tout le peuple tunisien. Le citoyen doit être responsable lorsqu'il aide à maintenir de l'ordre et à assurer la sécurité. C'est un service primordial qui peut sauver le pays du désordre, voire du chaos. A priori, il faut donner du temps à ce gouvernement pour qu'il prépare les réformes nécessaires. Bien qu'on lui fasse confiance, on doit être vigilant. Je vois qu'il est possible de créer des commissions de défense pour que la révolution ne soit pas confisquée. Toutefois, le gouvernement, pour sa part, doit se rapprocher du peuple par la politique de dialogue sans censure ni langue de bois. La démocratie n'est ni un don ni une matière finie, c'est une œuvre empirique qui paraît trop difficile à être réalisée par une population qui ne l'a jamais vécue. Pour l'atteindre, les Tunisiens doivent avoir recours au renforcement des valeurs et des qualités urgentes telles que l'amour de la patrie, la solidarité, la tolérance, la confiance mutuelle, l'optimisme et le sang-froid. Les partis politiques ne sont pas exemptés du chemin révolutionnaire. On a besoin qu'ils préparent des projets sérieux et bien les exposer aux citoyens. Par la suite, on espère que le meilleur gagnera pour l'intérêt de la Tunisie. Reste à dire que le Tunisien doit être toujours convaincu que son peuple qui a écrasé l'immense dictature demeure capable d'imposer son avis à tout moment, comme il doit marcher la tête haute par le pouvoir de cette victoire qui sert de modèle historique pour toutes les nations qui combattent pour la liberté et la démocratie. * Chercheur en histoire contemporaine à l'université de Sfax