Le Festival de la Médina a régalé ses fidèles vendredi dernier, avec la troupe iranienne qui se fait appeler Darvish Khan, empruntant le nom d'un grand compositeur de musique persane, disparu au début du siècle dernier. Il serait vain d'essayer de classer ce groupe ou de lui coller une étiquette, il vous détrompera toujours. Ses neufs membres sont à leur musique ce que les quatre éléments sont à la vie. Chacun a son apport, la cohésion dans le groupe est parfaite. En même temps, chaque musicien cultive une personnalité propre à lui, qui se manifeste, notamment, à travers les solos dont aucun d'eux n'est privé. Les Darvish Khan sont accompagnés d'une chanteuse, mais tous participent au chant. Leur programme musical est, comme l'explique l'un d'eux, composé de morceaux venant de différentes régions d'Iran, qui parlent de paix, de guerre et de liberté. L'obstacle de la langue a été dans ce spectacle libérateur. Il a permis à la musique d'être le support d'une imagination portée par les rythmes authentiques, proposés par la troupe. L'on pouvait, à travers ces neuf personnes solennellement assises sur leurs chaises, faire la connaissance de toute une culture. Avec leur manière de s'habiller, de se tenir et jusqu'aux ornementations de leurs instruments persans, ils font une démonstration d'amour et de fierté à leur patrimoine qu'ils représentent, par ailleurs, merveilleusement. Assis derrière un daf, un luth, un târ ou une flûte, ils jouent comme des pèlerins se recueilleraient sur la tombe d'un Hafiz Chirazi. Au début de la soirée, deux des musiciens ont conquis le public avec leur improvisation sur la flûte et le daf. Les autres membres les ont ensuite rejoints pour interpréter des chansons et des morceaux instrumentaux applaudis à répétition. L'Iran, ce pays fascinant qui ne fait pas toujours l'unanimité, a montré l'une de ses plus belles facettes, celle de l'art et plus particulièrement de la musique. Cette ambassadrice est, quel que soit le pays, sans doute la meilleure qui soit. Vers minuit, un semblant de fin se spectacle laisse entrevoir une magnifique surprise. Le meilleur restait à venir. Derrière les rideaux, apparaît une jeune femme toute de blanc vêtue. Son accoutrement rappelle celui des derviches tourneurs. C'est une femme derviche! Elles sont rares, mais elles existent et sont de plus en plus nombreuses, en Iran comme en Turquie. Sa performance est à la rencontre du sema et de la danse contemporaine. Tout en se basant sur les pas de ce rituel soufi dirigé vers le divin, elle y incorpore de nouveaux mouvements, en faisant par exemple tourner sa chevelure, rappelant les femmes en transe dans la «Hadhra». La musique est un élément primordial qui accompagne les derviches, avec des chants religieux, en l'occurrence du «Dhikr», supposant mener la danseuse vers l'extase. Elle est restée ainsi près d'une heure, sous les regards éblouis des présents. Félicitée autant par eux que par les membres de Darvish Khan, elle a donné un autre sens à la soirée. Dommage pour ceux qui se sont précipités de partir avant de la découvrir!