Samedi, à une heure tardive de la nuit, le trafic routier a pris subitement fin au poste frontalier de Ras Jedir, dans les deux sens. Plus de voitures en provenance de Libye, ni en direction du territoire libyen. La situation a duré ainsi quelques heures avant de reprendre très timidement. Les rumeurs commencent à circuler autour d'une seule hypothèse : "Gueddafi est en train de jouer les prolongations"; et chacun y va de son explication. Un témoin oculaire (Mohamed R.), originaire de Ben Guerdane et qui se rendait quotidiennement en Libye, était l'un des derniers à avoir franchi le poste de Ras Jedir. "Les affrontements ayant opposé les troupes de Gueddafi aux rebelles dans la grande ville de Zaouia ont permis à ces derniers de prendre le dessus, même s'ils n'ont pas libéré totalement la ville. Maintenant qu'ils contrôlent la situation, ils vont poursuivre l'opération ratissage, puis deux solutions seraient envisageables, dans les heures ou les jours à venir : soit ils se dirigeront à l'Est, vers la capitale; soit ils avanceront vers l'ouest pour mettre la main sur le poste frontalier de Ras Jedir qui constitue la seule issue pour les Libyens , un point stratégique, voire vital économiquement et politiquement pour les forces loyalistes, "commente-t-il. En effet, les pro-Gueddafi installés sur la frontière avec la Tunisie ne se sentent plus en sécurité ; d'autant plus que des informations captées par téléphone disent que les insurgés se préparent à Bou Kemmache, la localité la plus proche, à 10 km de Ras Jedir, pour monter une offensive contre le poste frontalier. Dans ce cas, les milices de Gueddafi se trouveraient devant deux solutions : ou bien faire défection et se livrer à l'armée tunisienne ; ou bien baisser les armes et se rendre aux rebelles. Pour faire face à toutes les éventualités et se préparer à tous les scénarios possibles, l'armée tunisienne a renforcé sa présence à Ras Jedir. Elle suit de très près les évènements et veille au grain sur tout ce qui se produit le long de la frontière, sans s'ingérer, bien sûr, dans les conflits intérieurs de nos frères libyens. La situation est très tendue. Tout le monde est sur ses gardes. Hier matin, juste un nombre très réduit de voitures ont pu franchir la frontière vers la Tunisie.