Ne dit-on pas que les absents ont toujours tort? Cela est peut-être vrai pour tous ceux qui n'ont pas daigné faire le déplacement, avant-hier, au théâtre de plein air de «Sidi Daher» pour assister au concert donné par Mohamed Jbali. Ils doivent sûrement le regretter, car l'artiste avait particulièrement excellé. Imbu de confiance, serein et très décontracté, il a magistralement interprété 22 chansons totalement puisées dans son propre répertoire et a donné toute la plénitude de ses grandes capacités vocales. Son récital a été réparti en deux tempos. Dans un premier temps, il a dédié 5 de ses nouvelles chansons à la révolution du 14 janvier. Par la suite, il a offert à l'assistance un bouquet de ses récentes et anciennes créations.Dans les deux registres, il a soulevé l'admiration du public présent. Autant il a ému par les airs engagés, autant il a séduit par les rythmes mélodieux. Par la chaleur de sa voix timbrée et par son admirable présence scénique, il a rapidement conquis son auditoire. Un hymne aux martyrs de la dignité et de la liberté Sans s'attarder, le chanteur accompagné d'un orchestre accoutré tout en noir et dirigé de main de maître par le maestro Abdelhakim Belgaïed a annoncé la couleur par une première entrée fort émouvante pour louer la valeur de la liberté : «Wa Allahi ma namal kan illi fi balli, nachakha al Hourria.»Il a ensuite enchaîné pour apostropher violemment les tyrans et leur imputer tous les malheurs des damnés de la terre: «Man antom? Dam errodh sakabtom!».Un refrain qui a été vivement apprécié et chaleureusement ovationné. Puis , il a chanté d'une voix plaintive et en back-ground un morceau pour dénoncer les contre-révolutionnaires et les amateurs du désordre. C'était assez triste et compatissant pour entonner un refrain porteur d'espoir : «May himch, tekssa al ayam. Khalli al ahlam temchi al kodam».Dans ce registre de l'engagement, notre chantre conscient du rôle avant-gardiste de l'art et inspiré par le feu de l'actualité n' a pas manqué l'occasion pour se solidariser avec ceux qui subissent l'histoire et glorifier leurs nobles causes. L'utile et l'agréable Après cette agréable surprise qui a retrempé tout le monde dans le vécu quotidien, la transition vers le côté divertissant et gai du spectacle s'est faite par la grande porte avec un cocktail très coloré et très mélodieux au grand bonheur des amateurs de rythme et de danse. Mis à part un petit hommage rendu au maître Mohamed Abdelwaheb par Olli amalak ih kalbi, Mohamed Jbali, fier de son répertoire, a embarqué le public dans 17 de ses créations musicales, les unes plus douces et plus suaves que les autres. Nadhret ainiik guettala, hobbi lih chaïi ajab, ana faïk bik, Anti kol fi kol. Le rythme s'accélérait et le public rivé à la scène ne faisait que communier , s'extasier et fredonner en choeur les succès de l'artiste : Ach esserr elli fi ainiik, law sodfa kabilitek, Hakka tenssani, Khallini bejenbek, Ya kmar et Ya hanaïen ont enflammé le théâtre de Sidi Daher. Sur les gradins, c'était le délire. Sur la scène, l'artiste s'en donnait à cœur joie. De part et d'autre, on était satisfait de cette belle soirée ramadanesque dont les échos se rabattaient sur la grève de «Boujâafar».