Young Perez n'est toujours pas français...Et pour cause, il n'a jamais pensé à le devenir, parce que personne ne le lui a demandé !!! Young Pérez vient d'être couronné champion du monde! C'est le petit tunisois de la Hara et de Place d'El Kallaline que la foule (juifs, chrétiens et musulmans) accueille à Tunis. C'est lui qu'elle célèbre dans une chansonnette que tout le monde fredonnait dans les années trente. Pour l'histoire, on boxait beaucoup à l'époque. Les combats étaient durs et rapprochés et les bourses étaient faibles. A peine remis de sa défaite sur blessure face à René Gabes à Oran, il s'impose à l'excellent Praxile Gyde aux points. Pour se refaire une santé, il se décide à rentrer au pays où il ne compte plus vraiment de famille. Son frère Kid Perez, lui-même champion de France des légers, est depuis longtemps installé à Paris. Pour la nostalgie, Young Perez va se régaler d'un plat tunisien fait d'un œuf poché, de thon à l'huile d'olive et de piment rouge chez Krief El Malhi au marché de la Goulette. Young y a rendez-vous avec son enfance pas si lointaine. C'est une jeune gloire locale reçue par le Bey au palais du Bardo. Parmi ses administrateurs, un jeune acteur de théâtre qui fait son droit, Habib Bourguiba. Victor Young Perez, le Tunisois, a alors à peine plus de 20 ans et croque la vie à belles dents. Il n'a peur de rien, ni de personne. On le dit plaintif et changeant. Pourtant, il accepte d'affronter n'importe quel adversaire. 15 jours après son sacre, il retrouve à Manchester le rude poids coq Johnny King, puis bat René Challenge une première fois à Paris et une deuxième à Casablanca. Perez a foi en son étoile et il affronte des adversaires bien plus charpentés que lui dont plusieurs champions du monde : Genaro, bien sûr puis Jacky Browen auquel il cédera le titre (le 17 novembre 1934) craquant à la 13e reprise devant la puissance du britannique Pladner, ex-champion du monde des plumes, Valentin Angelman, Balthazar Sanchelli, Joe Mendiola et enfin le phénoménal Al Brown. Perez fut toujours persuadé qu'il pouvait battre Al Brown puisque lors de leur première rencontre, il s'inclina au bout de 15 reprises d'un combat équilibré. Mais à Tunis, devant son public trop sollicité et trop en confiance. Perez se laissait cueillir à la 10e reprise par un terrible uppercut du gauche au plexus. Lors de leur troisième rencontre à Paris, il se retrouva K.-O. à la 5e reprise sur blessure. L'inconnu Mike Mc Gar le mettra ensuite K.-O. à la 2e reprise à Manchester. Littéralement «usé» en 1941, la Fédération française lui interdira de remonter sur un ring… La carrière de notre champion s'est poursuivie jusqu'au 7 décembre 1938 : 133 combats, 92 victoires, dont 28 par K.-O. 15 nuls, 26 défaites. Le 2 septembre 1943, déporté comme juif tunisien à Auschwitz par le convoi n°60, notre champion y a fait pruve d'héroïsme : il a livré un combat extraordinaire resté dans les annales du camp, contre un gardien SS poids lourd et il a été assassiné par un SS, lors de l'évacuation forcée du camp le 20 janvier 1945, parce qu'il portait secours à un camarade… Après la guerre, son nom a été donné à un stade de football (à l'emplacement de l'actuel Palais des sports d'El Menzah). On trouve actuellement au cimetière du Borjel une plaque commémorative qui honore la mémoire de ce champion juif tunisien. Le sport, le vrai, celui dont rêvait Pierre de Coubertin ne connaît pas la nationalité… ne connaît pas la confession. Il a ses champions et ses héros. «Notre tunisien Young Perez fut de ceux-là», comme le dit si bien M.Jean Pierre Allali, président de l'Association arts et traditions populaires des juifs de Tunisie, sans oublier la Nabeulienne Monique Hayoun qui m'a procuré plusieurs documents concernant le sport tunisien.