Suite à l'annonce de la chute de Tripoli entre les mains des rebelles et de la capture de Seif El Islam, des milliers de réfugiés libyens accompagnés de leurs frères tunisiens ont envahi, avant-hier, l'avenue Mohamed-V où réside l'ambassade de Libye, la Cité Ennasr et les artères de plusieurs villes tunisiennes : Sousse, Sfax, Djerba, Hammamet, etc. La Presse a suivi la joie de nos frères libyens du côté de la ville de Nabeul. Il est 1h00 du matin, du côté de la place de la Jarre, l'emblème de la ville de Nabeul : un cortège de voitures libyennes klaxonne sans discontinuer. Une foule composée de femmes, d'enfants et de jeunes chantent l'hymne national de l'indépendance tout en occupant la principale artère de la ville : l'avenue Habib-Bourguiba du côté de la «Cité», sur la route de la plage. «Erfaâ rassek foô, inta Libi Horr» (Lève la tête, tu es un Libyen libre), «Libya Horra wel Kadhafi ala barra !» (La Libye est libre et Kadhafi est dehors !), «Chouhada, chouhada min ajlek ya Libya» (Martyrs, martyrs pour la cause de la Libye), «Ya Biladi, ya Biladi… Libya, Libya !» (Mon pays, mon pays… Libye, Libye !), scandaient des Libyens qui brandissaient les drapeaux de l'indépendance sous les youyous des femmes présentes sur les lieux. «On est enfin libres !» Amer Bouchkhem, de Tripoli, escorté par sa famille, nous déclare : «C'est le plus beau jour de ma vie ! On est tous heureux ! Fini les 42 ans de terreur de Kadhafi. On est enfin libres !». Un peu plus loin, drapeaux tunisiens et libyens s'entremêlaient dans une atmosphère émouvante. «Allah Akbar, Allah Akbar !», criait la foule, alors qu'une vague de voitures déferlait tel un tsunami. Manel Tarhouni (25 ans, originaire de Zawiya) ajoute: «On a enfin triomphé. Merci Dieu pour cette délivrance. Je suis fière des rebelles et je salue leur bravoure. Ils viennent de nous libérer d'un dictateur qui n'a jamais eu de respect pour son peuple. Kadhafi a laissé le pays pâtir dans l'ignorance et l'illettrisme. Pas d'enseignement ni un système sanitaire de qualité. Pis encore, tous ceux qui s'opposaient à lui étaient exécutés ou incarcérés à la prison d'Abou Slim». Safa Shim (32 ans, de Tajoura) renchérit : «Allah nous aime en ce Mois saint ! Enfin après six mois de galère et de souffrance où notre pays a payé un lourd tribut en vies humaines, la Libye voit enfin le bout du tunnel et peut aspirer à un avenir meilleur. Nos enfants ont le droit maintenant d'être bien éduqués et jouir d'un enseignant de qualité, comme c'est le cas en Tunisie. Cette maudite famille a confisqué les biens du pays et extorqué les richesse de notre patrie en accaparant les revenus de la rente pétrolière. Désormais, on ne va plus se contenter des miettes que nous jetait le clan Kadhafi. Au contraire, dès aujourd'hui, on va bâtir notre pays sur de bonnes bases. La Libye va entrer dans la modernité. Que Dieu bénisse nos martyrs et vive la Libye !». Il ne faut pas vendre la peau de l'ours … Boujemâa Snoussi de Mosrata voit les choses différemment: «Certes en tant que Libyen libre, je me réjouis de la chute de Tripoli entre les mains des révolutionnaires, mais je pense qu'il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Il faut un peu de retenue; aux dernières nouvelles, Kadhafi n'a pas été capturé. Et cet homme, tant qu'il est toujours en cavale, représente une source de danger et de nuisance pour les Libyens. D'autre part, des villes comme Syrte, Sabha et d'autres sont toujours sous le contrôle de ses brigades. J'espère qu'il est toujours à Bab Azizia». Assurément, en voyant toute cette allégresse qui a illuminé les visages des descendants d'Omar Mokhtar, on ne peut que croire à un avenir meilleur pour la Libye, un pays qui va tourner définitivement la page de 42 ans de marginalisation et de dictature. Mais si plusieurs Libyens crient victoire, d'autres restent très sceptiques pour les jours à venir, tant que la situation sur le terrain reste un peu délicate avec plusieurs poches de résistance des brigades de Kadhafi dans plusieurs villes.Wait and see.