Par Rejeb Hajji* Une pluie de critiques s'abat sur les agences surtout après la décote de la Grèce. Certains les taxent comme des agences de «milices privées», la Commission européenne les a appelées à agir de manière «responsable et rigoureuse» ou encore l'ancien directeur du Fonds monétaire international a déclaré qu'il ne fallait pas «trop croire ce qu'elles disent». Leur fiabilité était donc remise en question. Pendant des années, Moody's Standard & Poor's et Fitch ont surnoté des produits financiers toxiques, ce qui a joué un rôle dans le déclenchement de la crise financière. Aujourd'hui, elles se montrent très sévères avec les Etats par un retour de balancier. D'autres estiment par contre que ce triumvirat ne doit pas être un bouc émissaire pour faire oublier la situation. «Tout le monde s'attendait à un abaissement de la note de la Grèce, même s'il est arrivé plus vite qu'attendu». Ils estiment que «quand les agences de notation interviennent trop tard, on leur reproche de ne pas avoir anticipé la crise. Quand elles le font un peu trop tôt, on leur reproche de provoquer la crise». Il rappelle au passage que quelques jours avant l'effondrement de Lehman Brothers, cette banque se voyait encore notée AAA par les agences. Idem pour Enron. Vers un changement de réglementation ? Pour expliquer ces échecs, plusieurs explications sont avancées : - Le système de rémunération : les émetteurs de dette sont ceux qui payent les agences de notation. Ce système de rémunération reste toutefois opaque. - La nature lucrative de leurs activités : «Elles se sont concentrées sur le fait d'attirer des émetteurs pour de nouveaux engagements plutôt que sur le fait d'assurer la bonne qualité et la précision de leurs notes», peut-on lire dans un mémo de la Commission européenne. - La transparence du système de notation : que ce soit au niveau de la méthodologie ou de la véracité avérée de leurs prévisions. -L'absence d'encadrement : aucune autorité gouvernementale ne supervise leurs activités. Devant ces failles, plusieurs solutions ont été avancées. Le Trésor américain a déposé un projet de loi pour rendre obligatoire la divulgation de plusieurs informations, notamment le prix payé pour une notation. En outre, les agences se verraient interdire de conseiller une société sur la manière de structurer une émission et de noter cette même émission. L'Union européenne et le G20 ont aussi commencé à se pencher sur la question, la première ayant proposé la création d'une agence parapublique. D'autres solutions émergent dans le débat public, notamment la possibilité de faire porter une partie des pertes d'entreprises notées de façon erronée aux agences. D'autre part, plusieurs en appellent à la responsabilité des marchés. C'est le cas de Jean-Paul Gauzèes, qui rappelle que «tant que les investisseurs n'utiliseront qu'un seul critère d'évaluation (les notes des agences, ndlr), il y aura un risque d'erreur». Ce mouvement de balancier est aussi dénoncé par SoBiz, un blogueur spécialisé en économie : «Cette surréaction est d'ailleurs presque plus grave que l'absence de précautions initiales : en dégradant à la machette des entités déjà affaiblies, elles les empêchent de se refinancer à bon marché, et aggravent encore un problème qu'elles n'ont pas vu venir», dénonce-t-il. «Entreprendre consiste à changer un ordre existant» (Joseph Schumpeter, économiste américain) «Pour chaque regard que nous jetons en arrière, il nous faut regarder deux fois vers l'avenir».