Par Abdeljelil AKAICHI * A l'aube de la révolution chinoise, l'Occident était bouleversé par ce qui se tramait en Chine. Un correspondant d'un organe de presse français a choisi de découvrir de près cette révolution. En descendant de l'avion à l'aéroport de Shanghai, il a rencontré un transporteur qui tirait une charrette. En l'emmenant à l'hôtel, le journaliste l'abordait en disant : – Qu'est-ce que vous faisiez comme métier avant la révolution ? – Ce même métier de transporteur de gens. – Qu'est-ce qui a changé alors, vous êtes toujours transporteur même après la révolution, réplique le journaliste. Et le Chinois de répondre : «Monsieur, ce qui a changé, c'est la mentalité ! Avant la révolution, le client qui m'abordait me piquait avec sa canette en me disant : Eh ! tu m'emmènes à telle ou telle destination. Mais après la révolution, le client me dit : s'il vous plaît monsieur, est-ce que vous pouvez m'emmener à telle ou telle destination !» Le changement expliqué par le Chinois ne concerne en fait que la révolution culturelle que la Chine de Mao a réalisée avant la révolution qui a abouti à l'installation du régime communiste. En Tunisie, la révolution a abouti à l'abolition et à la faillite du régime de Ben Ali et n'a rien changé dans la mentalité des Tunisiens. Cela est relatif car il y a un changement partiel qu'on ne peut pas vérifier facilement. La Tunisie devrait mener une véritable lutte contre plusieurs ennemis : le chômage, l'exclusion, la pauvreté, le déséquilibre régional, l'endettement extérieur… Mais le vrai défi est de construire un Etat moderne qui respecte les libertés et qui choisit un modèle économique qui respecte nos moyens. Or la tâche ne sera jamais facile. Il s'est avéré qu'elle est des plus ardues. Quelques mois après la révolution, on est passé de l'euphorie de vouloir tout changer et reconstruire au nouvel état de désengagement presque total. L'état des lieux est des plus affreux: des sit-in quotidiens, des scènes de violence et de casse sur des personnes et sur des acquis de notre chère Tunisie, des manifestations manipulées par les perdants de la révolution, une rupture presque totale entre les jeunes et le gouvernement et les jeunes et les partis politiques. Un appareil judiciaire et non un pouvoir comme c'était conçu et voulu par Ben Ali, corrompu et acculé au mur. Un secteur d'information non encore sain. En fait, un bilan sombre. Mais les ambitions légitimes du peuple sauront l'emporter même si la révolution tunisienne n'a pas été précédée d'une révolution culturelle qui prépare bien le terrain à une vraie révolution.