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Le projet de code de la presse et l'esprit de la Révolution


Par Ridha JENAYAH
La sous-commission de la réforme des médias vient, au terme d'un vaste processus de consultation et de concertation, de soumettre un projet de décret-loi portant promulgation d'un «Code de la presse, de l'imprimerie et de la publication» à l'approbation de la Haute Instance chargée de la réalisation des objectifs de la révolution.
La version finale du nouveau projet de code de la presse, qui se propose d'abroger et de remplacer le système mis en place sous la dictature pour surveiller, contrôler et censurer toutes les formes de publication, est avant tout une œuvre collective, élaborée en collaboration étroite entre juristes spécialisés en droit de la communication, d'un côté, et journalistes et patrons de presse, de l'autre.
Le code, qui se décline en 77 articles, s'appuie sur le droit international conventionnel pour arbitrer entre les différents conflits d'intérêts qu'il soulève (I). Il apporte des solutions radicales aux questions clés qui conditionnent l'étendue du droit à la liberté d'expression, celle de l'équilibre entre liberté, autonomie et pluralisme de l'entreprise de presse, d'une part (II) et celle de l'équilibre entre liberté d'information et droit à la sûreté individuelle ou collective, d'autre part (III).
I. La clé de résolution des différents conflits d'intérêts arbitrés par le code 
La principale difficulté de la réforme tient au fait que le projet de code met en jeu des intérêts opposés: intérêt des lecteurs à une presse indépendante et pluraliste et intérêt commercial des propriétaires d'organes d'information, intérêt des patrons et intérêt des journalistes salariés, intérêt des particuliers mis en cause par la libre circulation de l'information et des idées et intérêt des auteurs et des éditeurs, intérêt général lié aux exigences de préservation de l'ordre public et de la sécurité nationale et intérêt des citoyens au débat public.
Le projet de code tente de régler ces différents intérêts dans un sens résolument libéral, sur la base de l'article 19, alinéa 2 du Pacte international sur les droits civils et politiques adopté sous les auspices de l'ONU le 16 décembre 1966, entré en vigueur le 23 mars 1976 et auquel la Tunisie a adhéré par la loi du 29 novembre 1968. Ce texte prévoit que:
«Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix».
Il apparaît ainsi que le droit à la liberté d'expression est plus que la seule liberté de publier des informations et des idées, car il s'étend aussi au droit de toute personne de recevoir des informations. Corollaire du droit de publier, ce droit n'a de sens cependant que dans la mesure où sont garanties les conditions d'indépendance et de pluralisme des entreprises de presse.
On doit ajouter que d'autres droits connexes, tout aussi dignes de protection, peuvent constituer une limite à l'usage de cette liberté. Il en est ainsi notamment du droit à la protection de la vie privée garanti par l'article 17 de ce même Pacte qui prévoit que :
«1. Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation.
2. Toute personne a le droit de la protection de la loi contre de telles immixtions ou atteintes».
C'est finalement l'alinéa 3 de l'article 19 du Pidcp qui fournit la clé de la résolution des multiples conflits d'intérêts arbitrés par le code. Il prévoit que :
«L'exercice des libertés prévus à l'alinéa 2 du présent article comporte des devoirs et des responsabilités spéciaux. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément prévues par la loi et qui sont nécessaires : a) Au respect des droits et à la réputation d'autrui ; b) A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publiques».
L'article 1er qui ouvre et éclaire l'ensemble des dispositions du projet n'a fait que reprendre cette formule, en l'inscrivant résolument dans une perspective démocratique. L'alinéa 2 de cet article prévoit en effet que :
«La liberté d'expression ne peut être limitée que par un texte de valeur législative et pour autant qu'elle réponde à la protection d'un but légitime consistant dans la protection de la dignité et des droits d'autrui ou le maintien de l'ordre public et de la sécurité nationale et qu'elle soit proportionnée à ce qui est strictement nécessaire au but à atteindre dans une société démocratique».
La solution peut être résumée dans la formule suivante : la liberté n'est pas la licence ; son usage ne doit pas conduire à porter atteinte aux droits d'autrui. Dès lors, tout abus de liberté doit pouvoir être réprimé par les tribunaux.
II. Liberté de constitution, transparence et pluralisme des entreprises de presse
L'entreprise de presse n'est pas une entreprise comme les autres, dans la mesure où la presse est investie d'une mission particulière dans les sociétés démocratiques consistant à informer et à contrôler les politiques publiques.
Aussi, un certain nombre de formalités doivent être accomplies par les éditeurs d'écrits périodiques. Bien que préalables ou concomitantes à la publication, ces formalités ne sont en rien contraires à la liberté d'information, car elles ne contredisent pas le caractère libéral du régime de publication mis en place par le nouveau code : il s'agit des déclarations préalables et des dépôts obligatoires, la formalité de l'intervention préalable, qui permettait au ministre de l'Intérieur de suspendre toute publication susceptible de porter atteinte à l'ordre public, largement utilisée sous l'ancien régime pour étouffer toute velléité de critique, étant désormais abolie.
Aux termes de l'article 15 du Code, «tout journal ou écrit périodique peut être publié librement, sans autorisation préalable, sous réserve de la déclaration prévue à l'article 18 du Code». Le régime autoritaire de l'autorisation déguisée, qui permettait au ministre de l'Intérieur de bloquer la publication ou toute publication non désirée, est ainsi expressément abrogé. Dès lors que les conditions sont réunies, le magistrat du siège qui reçoit cette déclaration ne peut s'opposer à la publication.
D'un autre côté, l'entreprise de presse a une responsabilité particulière vis-à-vis du public.
Aussi, le projet de code comporte un certain nombre de dispositions destinées à consacrer la transparence financière. Elles ont pour objet de permettre au public de savoir qui possède, contrôle et fait les journaux, qui finance les entreprises de presse et qui en a le contrôle ; qui est susceptible d'influer par l'argent sur leur contenu et d'en infléchir ainsi la ligne éditoriale. D'autres obligations ont pour but d'assurer le pluralisme et la diversité des organes d'informations générales, en garantissant un nombre suffisant de publications de tendance et de caractère différents afin de prévenir les abus de la concentration.
III. La liberté de publier et ses limites
C'est le sens matériel de la liberté d'expression garantie par le projet de code; il s'entend de la liberté de porter à la connaissance du public les faits, les informations, les opinions et les idées ; il concerne l'activité de publication elle-même et s'applique indifféremment aux citoyens, aux auteurs et aux journalistes.
En raison cependant du rôle de premier plan des journalistes dans la libre circulation de l'information et le contrôle des gouvernements, un statut éminemment protecteur leur a été aménagé. Ce statut se traduit par la reconnaissance d'un certain nombre de garanties permettant aux journalistes d'exercer leur métier en toute sérénité. C'est sans doute à ce niveau que se situent les avancées les plus remarquables du projet de code.
Ainsi, «est prohibée toute restriction de nature à entraver la libre circulation de l'information ou l'égalité des chances entre les différents organes d'information dans la collecte de l'information» (article 9).
Surtout, la protection des sources, considérée par la jurisprudence d'un «intérêt capital» pour la sauvegarde de la liberté d'expression, est désormais explicitement consacrée (article 10).
Sur un autre plan, «les opinions émises par les journalistes et les informations qu'ils sont amenés à publier ne peuvent, en aucun cas, constituer un motif pour porter atteinte à leur honneur ou à leur intégrité physique ou morale» (article 11). De même qu'est prohibée toute pression exercée par une quelconque autorité contre un journaliste (article 12). Enfin, «on ne peut mettre en cause la responsabilité d'un journaliste pour une opinion émise dans les limites des règles et de l'éthique de la profession ou pour des informations publiées dans le cadre de l'exercice de son métier» (article 13)
Les infractions commises par voie de presse et susceptibles, de ce fait, d'être poursuivies et réprimées, sont nombreuses et diversifiées. Leur institution répond, en général, au souci de protéger un intérêt légitime tel que prévu à l'article 1er du code (droit à la réputation, à la dignité et à l'intimité des individus, maintien et préservation de l'ordre public ou de la sécurité nationale).
A l'opposé, la garantie de la liberté d'expression ainsi que le droit du public à l'information, considérés comme particulièrement nécessaires dans toute société démocratique, justifient que soient diffusées des informations qui peuvent être gênantes pour certaines personnes, sans crainte pour ceux qui les diffusent d'être condamnés pénalement.
Le projet de code cherche à assurer un équilibre entre ces deux impératifs. Seules subsistent des peines d'emprisonnement pour les infractions les plus graves : incitation à la haine raciale (article 51), incitation au meurtre, au pillage, au viol ou à l'atteinte à l'intégrité physique (article 52), production, importation, distribution, vente de produits pédophiles (article 59).
Concernant la diffamation, qui constitue assurément l'infraction la plus fréquemment commise, on notera l'unification du régime des peines encourues sans considération de la position de la victime et la suppression des nombreuses peines privatives de liberté instituées par l'ancien code.
Il paraît donc légitime de s'interroger, à moins de deux mois des élections de la Constituante, sur les chances d'aboutissement du processus de réforme. Le projet de code de la presse pourra-t-il franchir les derniers obstacles dressés par tous ceux que la réforme dérange ou bien faudra-t-il attendre l'investiture de la nouvelle assemblée pour reprendre, sur des bases incertaines, le rocher de Sisyphe de l'œuvre de reconstruction ?
Seule une mobilisation des forces démocratiques pourra vaincre les derniers bastions de résistance dressés par les nostalgiques de l'ancien régime soucieux de protéger les privilèges qu'ils tiennent du président déchu.


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