Par M'hamed jaïbi Depuis plus d'une semaine, l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) a ouvert la voie aux demandes d'accréditation des observateurs nationaux et internationaux. Les appels à candidature se sont multipliés sur le site Internet et la page Facebook de l'instance. Pourtant, pour certains citoyens indépendants qui attendaient cette échéance depuis des mois, le désenchantement a été au rendez-vous dès la consultation de la liste des conditions requises. En effet, en plus d'avoir la qualité d'électeur, de devoir être impartial, indépendant et honnête, de ne pas être candidat aux élections de l'Assemblée nationale constituante, d'avoir la capacité de gérer et superviser des observateurs dans les différents centres du processus électoral, de ne pas être membre de l'Instance supérieure indépendante des élections et de s'engager à respecter la loi électorale, le candidat doit justifier d'une expérience dans le domaine électoral. Cette condition en a étonné et déçu plus d'un. Certains ont même exprimé haut et fort leur indignation auprès du bureau de l'Isie affecté aux accréditations ou sur l'adresse e-mail mise à disposition des demandeurs d'accréditation. Une indignation à peine calmée par les arguments de l'instance faisant état de sa volonté de garantir toutes les conditions pour des élections transparentes et démocratiques, obéissant aux normes internationales les plus évoluées. Il est difficile pour un Tunisien de justifier, après 50 ans de dictature, d'une expérience en matière électorale. A moins d'avoir participé aux pseudo-élections de l'ère de Ben Ali. Interrogée, l'Isie a précisé que l'expérience souhaitée en matière électorale «ne signifie pas l'expérience des élections précédentes de l'ère Ben Ali, mais... un minimum de compétence et d'expérience en la matière, afin que son rapport d'observation puisse apporter un plus et une plus-value à l'opération électorale». l'Isie a même pris le soin de désigner, à titre indicatif, des associations et des organismes tunisiens qui organisent des cycles de formation, des colloques et des séminaires relatifs au domaine électoral, que les éventuels candidats peuvent contacter pour compléter leur dossier de candidature. Citons, à titre d'exemples, la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme (Ltdh), l'Association tunisienne des femmes démocrates (Atfd), l'Association de la femme tunisienne pour la recherche et le développement (Afturd), Amnesty, l'Association tunisienne pour l'intégrité et la démocratie des élections (Atide)... A priori, la démarche est aisée. Il suffirait de contacter les associations et organismes concernés et déposer son dossier, sauf qu'en pratique, un seul sur les dix organismes contactés a répondu à la demande d'informations en précisant que les formations sont réservées à leurs adhérents. Un citoyen tunisien, remplissant toutes les conditions d'indépendance et de neutralité, animé de son patriotisme et de sa bonne volonté, mais qui n'est affilié à aucune association, ne peut-il pas participer activement (en tant qu'observateur) au succès des élections les plus importantes de l'histoire de la Tunisie? Et cette interrogation exprimée par plusieurs citoyens de bonne foi, est d'autant plus légitime que la vie associative démocratique redémarre à peine et ne draine pas encore les citoyens non engagés politiquement. Certes, la formation des observateurs des élections est très louable et pourrait constituer une garantie supplémentaire pour la transparence des élections, mais il ne s'agit pas d'en faire une barrière devant les honnêtes citoyens désireux d'apporter leur pierre à l'édifice et aider à bâtir une démocratie en Tunisie. Pourquoi l'Isie ne se charge-t-elle pas d'une telle formation pour tous les observateurs acceptés, au lieu d'en faire une condition pour l'acceptation des dossiers? Quitte à ce que le succès dans cette formation soit exigé pour que l'acceptation soit confirmée ? Dans tous les cas, une solution s'impose et dans les meilleurs délais : on est déjà à j-51 des élections et la mission des observateurs est censé avoir déjà commencé.