Ils sont des milliers d'émigrés tunisiens à se bousculer ces jours-ci devant nos postes frontières, par voies maritime, aérienne et terrestre interposées. L'heure est au retour chez eux. Là-bas, hors de nos frontières, où les attend leur gagne-pain. Finies les vacances. Adieu séances de bronzage, veillées estivales et virées nocturnes avec les parents et les copains. Comment ont-ils passé leurs vacances ? Quelles impressions emporteront-ils dans leurs bagages ? Comment ont-ils trouvé le pays après la révolution ? Reportage. «Pour une fois, croyez-moi, je rentre de vacances contente et rassurée sur l'avenir de la Tunisie», lance Habiba S., 39 ans, résidente à Berlin (Allemagne). Explication: «Sous l'ère Ben Ali, l'avenir du pays était incertain. Personne ne savait ce que nous réservaient les jours que Dieu ferait. Bref, on avait peur non seulement pour notre destin mais aussi et surtout pour celui du pays. Aujourd'hui que la dictature est bannie, on peut enfin respirer l'air de la liberté, comme on le fait en Occident». Pour B. Meftah, 56 ans, électricien de son état dans une firme marseillaise, «ce que j'ai vu pendant mes vacances en Tunisie est à peine croyable: liberté d'expression des médias, grèves, sit-in, flics accueillants. Cela relevait de l'utopie. Vive la révolution». Devant le poste douanier du port de La Goulette, le décor est étrangement familier. «Hier, jubile Salah O., émigré tunisien basé à Düsseldorf, on avait à composer avec des douaniers à la mine généralement grise et qui, pour un oui ou pour un non, voyaient rouge. Regardez qu'est-ce qu'ils sont devenus hospitaliers». Au point, avons-nous constaté, que les opérations de fouille des bagages se font de plus en plus expéditives. L'euphorie est encore à son comble chez Saïda L. (50 ans, esthéticienne en Suède) qui assure, radieuse, que «la révolution du 14 janvier a formidablement soigné l'image de marque de la Tunisie à l'étranger, en nous procurant davantage d'estime et d'admiration auprès du peuple suédois. J'espère que ce précieux capital sera jalousement protégé. Toutefois, il est regrettable de constater que nous continuons en Tunisie à céder au triomphalisme, en abusant des grèves et des sit-in absolument préjudiciables aux acquis de la révolution. Pourvu que certains de nos compatriotes se rendent à l'évidence que la liberté ne veut pas dire transgresser la loi et paralyser l'économie du pays». Pour Ridha H., 46 ans, chauffeur de taxi à Paris, «continuer éternellement à chanter la révolution c'est s'endormir sur ses lauriers. Certes, nous, Tunisiens, avons réussi l'exploit historique de sauver le pays du joug de la tyrannie, et il faut le faire. Mais, de grâce, à quoi sert de rechigner au travail, d'abuser de revendications et d'aider à la persistance de l'anarchie ? Regardez comment sont devenues nos rues, combien de boutiques de commerce ont remis la clé et ces tonnes de saletés qui jalonnent nos chaussées. Au contraire, le moment est venu de se remettre au boulot afin de pousser la révolution vers la réalisation de ses nobles objectifs. Et je crois que les médias et les partis ont, à cet égard, à jouer un rôle clé». Nous irons aux urnes Fiers donc de notre révolution, nos émigrés le sont. Les suggestions dégagées de ce mini-reportage illustrent parfaitement un beau sentiment d'orgueil mêlé de bonheur. Au point qu'ils ont promis d'aller massivement aux urnes, le 23 octobre, pour les élections de la Constituante. «Je me suis déjà inscrit. Les membres de ma famille aussi», annonce l'un d'eux qui indique que «selon les dernières nouvelles en ma possession, je pense que la participation de la colonie tunisienne basée en Europe aux élections sera d'une ampleur sans précédent. Tout simplement parce qu'il n'y aura plus de… Rcédistes nous forçant à voter… à nos risques et périls».