* Beaucoup, beaucoup de jeunes ont travaillé dur durant l'été pour préparer leur rentrée universitaire et scolaire et se faire de l'argent à côté...Ils font preuve de sens de responsabilités. En tous cas, ils ne bronzent pas idiot... Alors que d'autres n'ont pas vu l'été passer tant ils en ont profité sur les plages, en montagne, dans les hôtels ou même à l'étranger en famille ou dans des colonies de vacances, beaucoup de jeunes Tunisiens ne trouvent même pas le temps d'en rêver. Vacances pour eux n'est pas synonyme de farniente, ni de jeux, ni de soirées dansantes ou de voyages touristiques : ils travaillent encore en été comme si leur calendrier ne reconnaissait comme temps libre que les heures réservées au sommeil ou aux repas. Qui sont ces forçats de l'été ? Pourquoi se privent-ils des délices de cette belle saison dans notre si beau pays ? S'agit-il d'un choix ou d'une contrainte ? Marouane et son frère Moncef (âgés respectivement de 20 et de 18 ans) sont originaires de Sousse, une vraie perle touristique ! Pourtant, tous les ans et dès le mois de Juin, ils rejoignent l'entreprise d'un parent pour y travailler dans la distribution en gros des produits alimentaires. Leur père est gardien dans un établissement public tandis que leur mère travaille chez des coopérants français. Ils sont sept dans la famille si l'on compte leurs frères jumeaux beaucoup plus jeunes et leur grand-mère paternelle qui vit sous le même toit depuis le décès de son mari. La famille vient de s'installer dans une petite maison achetée à crédit sur plusieurs années. « Vous comprenez tout, nous dit Marouane en soupirant. Il faut que nous gagnions, mon frère et moi, les frais de la prochaine rentrée scolaire et aussi notre argent de poche. Au début, ce fut très dur mais on s'y fait maintenant. Nous comprenons mieux les difficultés de nos parents et tâchons de les aider du mieux qu'on peut. » Cela fait six ans que les deux frères travaillent pendant l'été ; ils perçoivent entre 5 et 6 dinars par jour dont ils économisent plus de la moitié. La plage, ils y vont dimanche en famille ou avec les amis. Ces sorties dominicales ne sont pas régulières mais Marouane et Moncef n'ont pas le choix. Bien des jeunes sont chez nous condamnés, comme eux, à renoncer aux loisirs de l'été pour se prendre en charge en vue de la rentrée des classes. Dans beaucoup de grandes villes, à Sfax notamment, il est de coutume de voir, chaque saison estivale, des milliers de lycéens et d'étudiants exercer divers petits métiers qui leur rapportent de quoi se payer des habits neufs et l'essentiel des fournitures scolaires. Les employeurs se montrent même généreux avec une telle main-d'œuvre vigoureuse et disponible.
Dans les villes de l'intérieur : les adultes d'abord ! Partout ailleurs, les emplois saisonniers sont très rares, et quand il y en a, la priorité est accordée aux adultes. Les jeunes, eux, sont livrés à eux-mêmes et le plus souvent à une oisiveté tuante. Dans les campagnes, des garçons et des filles s'adonnent à des activités agricoles dans le cadre de la propriété familiale (et forcément sans rétribution dans la plupart des cas) ou chez un grand cultivateur aux côtés de leurs parents. Sinon, ils passent leur temps libre comme ils peuvent : les garçons font des descentes en ville pour hanter ses cafés ou pour arpenter ses rues, les filles attendent quant à elles un feuilleton à la télé, une fête de famille ou la foire hebdomadaire. Dans les zones urbaines, et par une chaleur qui avoisine régulièrement les 40 degrés à l'ombre, il est impensable d'envisager de véritables sorties. Le soir, en revanche, les veillées se font très longues et des centaines de jeunes les passent en allées et venues dans les artères principales, en parties de cartes interminables et en discussions oiseuses sur les terrasses des cafés. De temps en temps, on organise entre copains quelques échappées en direction de la plage la plus proche sinon on se rabat sur les rares spectacles donnés dans le cadre d'un festival local. A part ces distractions, c'est le vide et l'ennui mortels !
« Le mot vacances a disparu de mon dictionnaire !» Ramzi est un jeune Kasserinois de 22 ans. Il a passé le bac quatre fois sans succès. Déçu mais non résigné, il a décidé de quitter son village natal pour venir s'installer à Tunis, chez des parents de condition modeste qui l'ont toutefois bien accueilli. En attendant de se fixer sur son avenir, Ramzi a accepté de travailler dans plusieurs chantiers de construction et confie une partie de sa paye à ses hôtes qui n'attendent pas de lui qu'il participe aux frais de la maison. A propos des vacances d'été, voilà ce qu'il pense désormais : « Je trouve déplacé voire insensé dans mon cas, de penser aux plages, aux hôtels et aux loisirs de l'été. Je dois d'abord penser à mon avenir, à 22 ans et sans diplômes c'est ridicule de vouloir encore s'amuser. Déjà à Kasserine, mes rêves n'excédaient jamais les frontières de mon village. Vous pensez bien que pour le moment, l'amélioration de ma situation sociale doit primer sur le reste. Le mot « vacances » a disparu de mon dictionnaire ! »