De passage en Tunisie le mois de mars dernier, Mohamed Nachi, professeur tunisien de sociologie à l'université de Liège, est frappé par les confusions qui régnaient dans les discussions autour de la laïcité. De retour en Belgique, il prend l'initiative d'inviter trois de ses collègues, Jean Bauberot (EPHE, Paris), Gil Anidjar (Université de Columbia) et Cécile Laborde (Université de Londres), tous des professeurs ayant réfléchi et même publié sur la thématique du rapport entre le religieux et le politique, d'écrire un texte sur cette question des plus cruciales aujourd'hui dans le contexte de la transition démocratique. Son objectif : engager un débat serein permettant, comme il le dit lui-même, «d'apporter des réponses nouvelles adaptées à la fois à la situation postcoloniale/postrévolutionnaire actuelle et aux demandes et attentes de la société tunisienne». Il ressort des quatre articles que nous avons choisis de publier ensemble en y rajoutant un texte signé par Cyril Grislain Karray (conseiller-stratège) pour approfondir encore plus ce dossier, l'idée que la transposition du système français de la laïcité n'est pas forcément la solution pour les Tunisiens. A l'image de leur révolution exceptionnelle, à eux d'inventer un modèle qui leur est propre, inspiré d'un autre imaginaire politique, basé sur « l'art de la conjugaison » selon la formule de Gil Anidjar et surtout qui serait dégagé de toute tyrannie «une laïcité autoritaire n'est pas une véritable laïcité», écrit Jean Bauberot. Il est peut-être temps aujourd'hui de (ré) interroger ce «modèle étatique d'émancipation» en évitant de le transformer en un enjeu identitaire. Le débat que nous ouvrons aujourd'hui sur nos colonnes participe à cette réflexion.