• La fermeté du discours officiel, le ras-le-bol populaire et le manque de synchronisation entre les différentes structures syndicales des forces de sécurité intérieure augurent d'une baisse de la tension et d'un retour à la normale. La 1ère révolte policière depuis l'indépendance sera-t-elle matée ? En l'espace de trois jours (lundi, mardi et mercredi derniers), tous les Tunisiens avaient assisté, ébahis et éberlués, à une révolte policière, la première depuis l'indépendance. «Evénement» sans précédent, et décor inédit et à peine croyable: des flics en grève, des sit-in houleux devant le siège du ministère de l'Intérieur et même devant le QG du gouvernement, des slogans assourdissants, et, comble de nouveauté, des commissariats de police et de la Garde nationale proprement paralysés et qui refusaient du monde ! Non, c'est du jamais vu, et c'est à peine si l'on se croirait dans un pays occidental où des spectacles pareils sont presque monnaie courante… Le dur apprentissage du syndicalisme Hier impuissants et naïvement obéissants sous l'ère Ben Ali qui les a réduits à un rôle de robot-bouche cousue, nos policiers ne remercieront jamais assez cette exceptionnelle révolution du 14 janvier qui leur a valu une réhabilitation totale et sans doute inespérée. S'ensuivit illico presto un formidable défoulement matérialisé par un «engouement» nouveau et fiévreux pour l'exercice syndical. Au point qu'en l'espace de quelques semaines, pas moins de 30 syndicats (excusez du peu) sont venus donner de l'animation à leurs structures. D'où des réunions non-stop un peu partout dans le pays pour servir de cadre à d'interminables revendications. Mais cette effervescence syndicale que d'aucuns ont saluée au départ a, par moments, dépassé le cadre légal pour friser l'hystérie. Au point d'investir les lieux du travail pour exiger le…limogeage, séance tenante, du patron. Au point aussi de réclamer (exiger ?) le départ pur et simple du chef du gouvernement provisoire et son ministre de l'Intérieur ! Certes, nos policiers ont le droit des plus légitimes de prendre leur revanche sur un demi-siècle de privations, de souffrances et de… misère. Certes aussi ils méritent d'être mieux payés, mieux motivés et plus écoutés, en récompense de leur tâche ingrate et des risques du métier auxquels ils sont exposés dans l'accomplissement de leur mission, ô combien exaltante et stratégique, de sauvegarde des attributs de la sécurité et de la stabilité dans le pays. Cependant, et comme Rome n'est pas faite en un jour, comme l'a si bien dit le proverbe, nous considérons humblement, et en toute neutralité, que rien ne sert de courir et de brûler les étapes, surtout que dans un pays pas encore relevé des retombées de la révolution comme la Tunisie, les insuffisances et les lacunes, vieilles de plusieurs décennies, ne sont nullement spécifiques au seul appareil de la sécurité. Au contraire, elles touchent pratiquement tous les rouages de la nation. Tout cela pour dire que les derniers événements de ce début de semaine sont plutôt à inscrire au passif d'une inexpérience syndicale. C'est d'autant plus vrai que l'Union des syndicats des forces de sécurité intérieure, encore à ses premières dents de lait avec le syndicalisme, gagnerait à être mieux organisée et, surtout, à drainer dans ses rangs des milliers de collègues toujours récalcitrants et peu enclins à y adhérer. N'ont-ils pas boycotté les derniers sit-in ? N'ont-ils pas érigé davantage de transparence pour soutenir ladite Union? Ras-le-bol collectif Reste à dire que ce qui s'est passé, ces jours-ci, à La Kasbah, à El Aouina et à l'avenue Habib-Bourguiba, n'a fait des heureux que parmi ses commanditaires. En effet, selon nos investigations, une bonne partie du bon peuple n'a pas apprécié, en estimant que les revendications, si légitimes soient-elles, doivent être réclamées avec sagesse et responsabilité, et jamais par des agissements sauvages. Ras-le-bol aussi au ministère de l'Intérieur où la multiplication des réunions de crise pourrait déboucher incessamment sur la prise d'une batterie de mesures dissuasives à l'encontre des meneurs de cette «révolte». Ras-le-bol enfin au palais du gouvernement où la fermeté du dernier discours, en dépit d'un petit écart de langage, témoigne assurément d'une exaspération presqu'inévitable. Ainsi, et au vu de l'impopularité de leur dernier soulèvement, peut-on dire que nos braves policiers sont en passe de rendre les armes syndicales ? Inchallah…