Quel forme de régime veulent les Tunisiens pour leur 2e République ? Présidentiel, parlementaire ou un mélange des deux ? Aujourd'hui, aucun Tunisien n'est en mesure de répondre sans craindre de se tromper. Et pour cause. L'expérience est une première, le paysage politique est en pleine effervescence et la visibilité des électeurs en ce qui concerne l'Assemblée nationale constituante (ANC) est plongée, selon les sondages politiques successifs, dans un épais brouillard engendré, entre autres, par une méfiance vis-à-vis des politiques. A cela il faut ajouter une donne politique de taille, évoquée par les spécialistes en la matière, à savoir qu'il n'y aurait pas de modèle unique ou de forme idéale de gouvernance qui serait exportable d'un pays à l'autre; chaque nation devant concevoir son propre modèle selon ses ambitions démocratiques et les moyens, y compris intellectuels et culturels, dont elle dispose pour le concrétiser. Pourtant, il va falloir y arriver, et le plus tôt serait le mieux pour tous. Le 23 octobre auront lieu les élections de l'ANC et celle-ci devra se pencher très vite sur l'élaboration de la nouvelle Constitution et, partant, sur le choix du régime qui convient à la Tunisie post-révolution. Il n'est pas sûr que l'Assemblée aura beaucoup de temps pour accomplir ce travail, puisque des forces politiques appellent à l'organisation d'un référendum, le même 23 octobre, en vue de délimiter ses prérogatives et les délais qui lui seront impartis. La tâche n'est pas aisée si l'on considère qu'à ce jour seuls les spécialistes en droit constitutionnel, précisément, sont en mesure de «discourir» sur la question, de comparer les régimes politiques, de distinguer leurs points faibles et leurs points forts respectifs et, par conséquent, de se faire une idée sur le sujet. Pour tous les autres, la grande question est : que choisir ? La tâche est, bien sûr, du ressort de l'ANC mais les Tunisiens ont besoin de comprendre et de savoir pour être rassurés sur l'issue de leur révolution. Après le 14 janvier, les Tunisiens savent ce qu'ils ne veulent plus : le despotisme et la concentration des pouvoirs. Mais ils ne savent pas comment ni par quel régime les éradiquer. Il n'y a pas de solution miracle, estime Slim Loghmani, professeur de droit constitutionnel à la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, invité par l'Association NOU-R et qui avait à présenter les différents régimes de gouvernance ainsi que leurs avantages et leurs inconvénients. «Tous les régimes ont des avantages et des inconvénients», affirme-t-il. Et de poursuivre, pour répondre à certaines analyses qu'il juge erronées : «Le seul régime présidentiel que l'on connaisse à ce jour est celui qui existe aux Etats-Unis. Il est trop compliqué et spécifique au système fédéral en vigueur dans ce pays». En parlant du régime parlementaire, le conférencier explique, dans un exposé magistral, qu'il existe plusieurs modèles, tel que le suisse, le français, l'allemand ou l'italien, mais pense que le régime portugais est le plus proche du contexte tunisien. «Le chef du gouvernement est responsable devant le président et le Parlement», explique-t-il. S'agissant de la Tunisie, l'universitaire indique que le régime qui correspond aux attentes du peuple tunisien doit répondre à trois conditions : l'équilibre entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, la stabilité politique et l'équilibre régional. C'est déjà là une piste, mais pour le spécialiste du droit constitutionnel, «la meilleure Constitution du monde ne servirait à rien s'il elle n'était pas appliquée». Autrement dit, l'élaboration de la Constitution n'est pas une fin en soi, mais le point de départ de l'œuvre de construction d'une société tunisienne enfin démocratique.