Il existe en Tunisie une tradition d'action associative qui remonte loin dans le temps. Au moins jusqu'au début du XXe siècle dans la version moderne de cette tradition et bien au-delà, si l'on considère que les fondations à toute sorte de vocation peuvent être rangées dans la même catégorie. Ces associations, certaines à très grand rayonnement comme le fut celle des Anciens élèves du collège Sadiki, ont joué un rôle non négligeable dans nombre de domaines à caractère culturel, social et, subséquemment en cette période de domination coloniale, politique. Est-ce pour cette raison-là qu'au lendemain de la proclamation de l'indépendance du pays les autorités tunisiennes ont œuvré pour littéralement castrer ces associations avant de les dissoudre directement ou indirectement, comme ce fut le cas pour celle que nous citons plus haut et pour bien d'autres, telles, entre autres, la Jeunesse scolaire, la Ligue du Jérid et l'Association de bienfaisance musulmane ? La réponse est évidemment oui. Mais la société y a perdu un potentiel considérable d'énergies qui auraient pu agir dans de nombreux secteurs au profit de l'intérêt général et, par conséquent, de l'Etat lui-même. Le «changement» de régime a donné l'illusion d'une relance de la vie associative qui paraissait retrouver une vitalité accrue avec la prolifération d'associations dans tous les domaines. Celles-ci devaient se révéler comme autant de coquilles vides ou comme des organes paralysés, phagocytés par des parasites qui ont détourné la vocation du travail associatif pour en faire des entreprises à caractère lucratif à leur profit. La Révolution est venue réconcilier le Tunisien avec le travail associatif. On a vu avec quelle spontanéité et quelle générosité les gens se sont organisés pour agir dans différents domaines d'intérêt commun. Ils ont le plus fréquemment choisi d'inscrire leur action dans le cadre d'associations dont le nombre croît chaque jour et dont le sérieux n'a d'égal que le dynamisme qui se manifeste déjà par de multiples actions. Dans le domaine du patrimoine, en particulier, les acteurs se multiplient dans toutes les branches et partout dans le pays. C'est une excellente chose, que la spécialisation (nature, histoire, archéologie, architecture, traditions, etc.). Elle permet de couvrir, en vue d'une intervention raisonnable et à échelle pratique, tous les domaines de l'espace patrimonial. Elle permet également de multiplier les filières de partenariat. Mais sans concertation, elle peut aussi entraîner la dispersion des efforts, la réduction de l'impact sur le terrain et l'amoindrissement du poids de ces acteurs face à leurs vis-à-vis. C'est la raison pour laquelle il y a lieu d'envisager la mise sur pied d'une fédération à l'échelle nationale des associations agissant dans ces domaines. Elles y gagneront en efficience et en crédibilité.