Par Lassaâd BOUATTOUR J'ai une thèse que je voudrais partager avec vous en ces temps de mouvement politique et social. Je suis pour un Islam éclairé et modéré où "Al Ijtihad" reprend toute sa place, notamment en matière d'interprétation du texte sacré afin de permettre à cette religion de se placer en tant que repère dans notre vie civile, politique et sociale et non comme un fardeau ou une entrave à la liberté de pensée… Dans ce cadre, je voudrais avancer quelques réflexions personnelles à propos de certains versets coraniques, notamment de la sourate "Ennissa" qui décrit les règles, les droits et les obligations de la société musulmane envers les femmes, longuement interprétés comme ayant donné l'autorisation, tant contestée, aux hommes de pouvoir épouser plus d'une femme et ayant limité l'héritage d'une fille à la moitié de celui du garçon (du moins ce qu'on croit comprendre). Je pense que les versets relatifs à ces deux sujets ont été mal interprétés et qu'une lecture différente de ces versets peut être faite en tenant compte de la richesse et de la complexité de la langue arabe. Le Coran n'a pas clairement autorisé la polygamie dans l'absolu, il a simplement indiqué la possibilité physiologique d'épouser une seconde femme si le souci de préserver l'honneur des veuves et de leurs enfants orphelins venait à se présenter (vérifier l'emplacement du verset), cette autorisation ne doit pas sortir du cadre précité (c.à.d la présence d'orphelins) si elle est légiférée. De même, elle ne peut être considérée comme un droit pour les hommes et peut être proscrite dans une société. Il est aussi clair que le Coran a attiré l'attention sur l'impossibilité d'instaurer une équité entre les femmes et a, donc, implicitement découragé le recours à cette autorisation. Le Coran n'a pas aussi clairement spécifié de faire bénéficier les femmes de la moitié de l'héritage d'un homme. Je pense que les versets 11 et 12 qui se présentent comme des codes chiffrés peuvent être lus et interprétés avec les deux principes suivants : (1) le terme Al onthayaïni c.à.d. "les deux femmes" peut faire allusion tout simplement aux deux femmes dans la vie de l'homme qui sont sa mère et sa femme et non aux filles du défunt. (2) les parts réservées aux femmes indiquées dans la sourate peuvent être interprétées comme des minima exigés tel que décrit dans le verset 13 Houdoud Allah afin de protéger les femmes lors de l'époque du Prophète et il n'est pas indiqué dans le reste du Coran qu'on ne peut pas donner plus aux femmes. En tenant compte de ces principes ou cette « logique » pour la lecture du reste des versets (notamment si elles sont plus de deux — c-à-d la mère et jusqu'à quatre épouses potentielles — elles ont droit aux deux tiers de l'héritage) et en ayant à l'esprit que (a) les quantités indiquées dans le reste des versets sont en fait des planchers ou des minima réservés aux diverses catégories de femmes et que (b) l'égalité c'est la règle en dehors des cas de figure nécessitant l'application de ces planchers, on découvre clairement que l'Islam ne fait à travers cette sourate que préserver les droits des femmes et leurs parts minimales d'héritage (mère, épouse, fille ou sœur) au sein d'un groupe d'héritiers, et ce, dans une cohérence et une logique mathématique étonnante et évidente, entre les parts ou planchers indiqués dans les divers versets, quelle que soit la catégorie des femmes et quelles que soient les éventuelles compositions des groupes. Ainsi, je pense que si l'égalité dans l'héritage est prescrite par la loi civile dans un pays (P) dans une époque (E) elle sera en parfaite harmonie avec le texte coranique. Il est aussi clair dans les autres versets de la même sourate que l'Islam préserve les droits de la femme en cas de divorce, en cas d'adultère, en cas d'héritage, en cas de faux témoignage. Je pense que l'Islam est une religion planétaire. Ses règles ne peuvent pas être à l'encontre des règles naturelles facilement comprises par tout être humain quelles que soient sa race, sa religion ou sa nationalité. C'est une religion mal comprise et mal véhiculée depuis 500 ans, entachée par l'immobilisme des imams et la superficialité des lectures du texte coranique.