Par Slaheddine KAROUI (Economiste) La bonne maîtrise de l'outil informatique représente, aujourd'hui, un atout fondamental pour la dynamisation du marché local et la satisfaction de la demande interne (voir La Presse du lundi 26 septembre 2011). Toutefois, il faut reconnaître qu'à la sollicitation de cette demande interne viendra s'ajouter celle de la demande externe attirée par un environnement politique et social démocratique, des infrastructures de télécommunication performantes et des ressources humaines compétentes. La contribution de ces micro sociétés à la croissance globale sera d'autant plus importante qu'elles verront s'ouvrir devant elles de nouveaux débouchés extérieurs, et ce, sous deux conditions : 1. La maîtrise des langues française et anglaise ; 2. La capacité du pays à attirer les investisseurs étrangers. Le premier préalable n'est pas difficile à lever car la langue française est couramment parlée, alors que la langue anglaise est accessible à de nombreux Tunisiens. En outre, une politique cohérente d'apprentissage intensif de l'anglais ne semble pas relever du domaine de l'impossible. La levée du second préalable dépend de la volonté du Tunisien à bâtir un Etat démocratique, moderne et attractif. Dans le cas d'espèce, l'attractivité réside dans la stabilité sociale, la transparence, la fiabilité des infrastructures de transport, la modernité et la disponibilité des infrastructures de communication, la haute compétence des ressources humaines, la maîtrise de l'informatique, la performance des entreprises et des réseaux informatiques, la qualité des services, le raffinement de l'accueil, la qualité de la vie. La simultanéité de la disponibilité de ces vecteurs d'attractivité est d'autant plus impérative, dans le cas de la Tunisie, qu'elle souffre d'un déficit de culture en matière de force de vente. En effet, les exportations de ses entreprises sont moins le fait d'une force de vente aguerrie et agressive que d'une demande formulée par des donneurs d'ordre ou suscitée par un marché mondial preneur. Traditionnellement, les entrepreneurs tunisiens ne vont pas vers le client étranger pour le démarcher, mais ils attendent qu'il vienne vers eux, attiré par les produits de qualité dont il a besoin au moindre prix. Quant à l'investisseur étranger, toutes choses égales par ailleurs, il investira toujours dans le pays où la sécurité est la plus grande et les salaires les moins élevés. Par conséquent, tant que la Tunisie serait attractive, elle serait qualifiée pour attirer clients et investisseurs étrangers. Il conviendrait donc que les autorités publiques s'assurent que leurs industries, Ssci, cabinets de consultation et de formation sont aptes à satisfaire la demande extérieure. En particulier, elles gagneraient à contribuer à l'amélioration de leur compétitivité en leur attribuant des quotas de marchés significatifs, et ce, pour, au moins, quatre raisons : Premièrement, c'est un apport financier qui est essentiel à leur croissance; Deuxièmement, c'est un stimulant de leurs compétences et technicités car l'administration est un creuset incomparable d'études pointues et de technologies de haut niveau. Troisièmement, c'est une condition majeure de leur déploiement à l'international. En effet, à compter du moment où les Ssci assurent leurs dépenses courantes grâce aux revenus que leur procure l'administration, ils peuvent pratiquer des stratégies de développement tournées vers l'extérieur. Quatrièmement, c'est un moyen efficace et loyal de les mettre à l'abri des coups impitoyables de la concurrence étrangère. En effet, il faut savoir qu'aux Etats-Unis, par exemple, l'administration confie aux Ssci américaines 25 % de la part de ses marchés, et ce, depuis toujours. Une des conséquences des demandes interne et externe commande un nouveau type de travail qui ne sera plus fondé sur la présence physique dans l'entreprise mais pourra être effectué à domicile ou dans n'importe quel point du globe. C'est une donnée réelle qui modifiera profondément l'organisation des ressources humaines et de l'espace dans l'entreprise et introduira des concepts difficiles à mettre en œuvre, autrement, tels que la gestion du temps, la rémunération à la carte, la flexibilité horaire. En particulier, les femmes et les hommes désirant consacrer plus de temps à leur famille et à leurs affaires personnelles pourront effectuer leur travail à domicile en instaurant un minimum de formalisme c'est-à-dire d'équipement et d'organisation. Sur un autre plan, le travail à distance ouvre de très grandes perspectives aux freelances de plus en plus nombreux, en Tunisie, qui trouvent là le moyen d'exercer leur compétence en toute indépendance. D'ores et déjà, rares sont les familles qui n'ont pas un ou plusieurs des leurs, opérant dans le créneau du travail à distance en relation avec des entreprises locales ou étrangères. Ce mouvement, limité actuellement aux particuliers, s'étendra progressivement et irrésistiblement aux personnes morales qui verront nombre de leurs agents délaisser leurs bureaux pour accomplir leurs tâches chez eux. Mais, bien sûr, cette extension n'ira pas de soi : à cause des résistances au changement; parce que les directions générales aiment avoir leurs collaborateurs sous la main; parce que les mentalités n'y sont pas encore préparées…Mais quelle entreprise a jamais résisté, longtemps, au chant de sirène du profit ? Quand ce mouvement sera déclenché, les sièges des banques, des assurances, de la poste, des grands groupes… ressembleront à d'immenses tours vides; les directions des ressources humaines modifieront leurs processus de gestion; les procédures de gestion, de métier, d'urgence… seront refondues; le code du travail sera réadapté; les jeux de pouvoir seront modifiés; le syndicat aura moins de prise sur ses affiliés et sur le patronnat; les crèches deviendront plus viables; les enfants seront mieux encadrés par leurs parents; les rues seront moins encombrées; la pollution diminuera; le pouvoir d'achat des salariés opérant à domicile s'améliorera suite à des travaux annexes…bref l'univers du travail ne sera plus le même et la société accédera à un niveau supérieur de la qualité de la vie. Il n'existe pas de statistiques publiées permettant de décompter le nombre de télétravailleurs en Tunisie, mais on sait qu'ils sont très majoritairement indépendants et travaillent à partir de leur domicile. Par contre, les télétravailleurs salariés, qui travaillent alternativement chez eux et dans les locaux de leurs employeurs, sont extrêmement rares pour les raisons cités Supra. Aussi, est-il essentiel d'encourager le télétravail en le dotant d'un cadre juridique adapté à la diversité des situations liées au travail à distance. Mais, dans notre pays, l'initiative ne peut venir, comme toujours, que du secteur public qui, en encourageant ses agents à la pratique du télétravail, entraînerait le reste des opérateurs économiques à faire de même. Des actions pilotes, conduites avec succès par l'administration publique, pourraient déclencher le déploiement d'un tel processus.