C'était prévisible mais l'effet est tout aussi étonnant voire inattendu pour certains. Il s'agit de la découverte des noms et des portraits des candidats aux élections figurant sur les listes, les premières, en tout cas, qui ont commencé à être affichées. Des passants au hasard y reconnaissent des voisins, d'autres des amis ou d'anciennes connaissances qu'ils ont perdues de vue depuis plusieurs années et dont ils ne soupçonnaient pas l'engagement politique, nouveau pour un bon nombre d'entre eux. Pour beaucoup de ces passants, la surprise est au rendez-vous et ils ne le cachent pas‑: "Ce monsieur est mon voisin et j'ignorais qu'il s'intéressait à la politique", fait remarquer ce jeune cadre sympathisant d'un parti aux bons scores dans les sondages politiques. "Malheureusement il n'est pas sur la liste pour laquelle je compte voter", renchérit-il tout en sourire. "Cet autre est une vieille connaissance, je suis étonnée de savoir qu'il a adhéré à ce parti et qu'il le représente dans la délégation où j'habite", affirme cette autre dame qui regrette ne pas avoir suffisamment de temps pour connaître les plus de dix mille candidats aux élections avant le 23 octobre. "C'est le seul moyen de faire le bon choix le jour du vote et je regrette que ces listes n'aient pas été exposées plus tôt", estime-t-elle. La foule grossit petit à petit devant le mur de clôture de ce collège de la capitale où sont affichées quelques listes de partis et d'indépendants. Youssef, élève de 9e année, intrigué, demande au hasard à qui veut bien l'entendre‑: "Qu'est ce que ça veut dire Pôle‑?". Mariem, quant à elle, commente les logos et les couleurs de certaines listes en ne cachant pas sa désapprobation pour les affiches trop chargées. Zied, qui prétend appartenir à une famille de politiciens, s'étonne, pour sa part, de voir des femmes voilées parmi les candidats d'un parti portant la mention "moderniste". Au bout de quelques minutes, la conversation devient cacophonique entre adultes d'une part, devenus pour la circonstance commentateurs politiques et adolescents, d'autre part, en pleine effervescence désormais imprégnés des idéaux de la révolution du Jasmin dont en premier, comme ils l'ont bien souligné, "la liberté de penser et de s'exprimer". C'est la sonnerie du collège qui mettra un terme au débat politique improvisé et dispersera la foule. Il restera l'impression générale qu'avec ces listes "on commence à y voir plus clair dans les partis politiques et les prochaines élections", confie un enseignant du collège. Autrement dit, si le discours politique n'a pas réussi à dissiper le flou qui a plané pendant des mois sur les partis et leurs programmes, les listes, elles, commencent déjà à parler et à rendre plus clair non seulement le paysage politique mais également ses principaux acteurs.