Par Féthi FRINI Ils seront des centaines de milliers de jeunes, les 18 ans révolus, au matin du 23 octobre2011, à travers tout le territoire national, à franchir les portes des bureaux de vote pour se retrouver ensuite devant les urnes afin de se prononcer sur leurs représentants à l'Assemblée constituante. Car, après celui des présidentielles de 2009, c'est encore, disons, pour la première fois, dans les annales électorales de notre pays, qu'un scrutin suscite autant d'échos favorables au sein de la population juvénile, les au-dessus de 18 ans, de pouvoir accéder enfin à la majorité et dont les sujets de préoccupation seraient très certainement d'une toute autre nature. Cet engouement, tout relatif certes pour la chose publique mais que nous qualifierons volontiers d'historique, à bien des égards ,du fait qu'il laisse entrevoir incontestablement de larges perspectives à une démocratisation accrue de la vie de la nation, et à ce que, justement, les jeunes, dès leur plus jeune âge, se prennent déjà en charge et finissent par s'assumer. Un projet civilisationnel Les jeunes, avec lesquels nous avions eu à discuter, ont majoritairement reconnu qu'à l'heure actuelle leur préoccupation fondamentale est celle évidemment qui a trait à l'avènement de la démocratie; en ce sens, une participation accrue à la prise de décision. C'est ce qui transparaît justement de leurs propos‑: le souci des uns et des autres de voir asseoir une nouvelle société où la garantie tout autant que la pratique des libertés individuelles et collectives ne seraient pas dénuées de sens et de consistance. Pour une fois, nous avons affaire à un projet civilisationnel à entreprendre et à achever qui tient réellement compte de l'aspiration de nos jeunes, pour longtemps maintenus hors du coup. Un projet, de surcroît, expurgé de l'éternel bla-bla-bla misérabiliste dont on nous a longtemps rebattu les oreilles. C'est rassurant pour l'avenir de la démocratie dans notre pays qui vit des moments, à tous points de vue, extraordinaires. Que ceux qui continuent à clamer haut et fort, à cor et à cri, que notre jeunesse est immature se détrompent. A notre sens, ce chapitre ne souffre d'aucune équivoque qui aurait trait aux libertés fondamentales des citoyens. L' enjeu est, on ne peut plus clair, déterminant, décisif, à ce sujet, d'autant plus qu'il ne laisse planer aucun doute sur les libertés fondamentales et les droits de l'Homme et particulièrement du citoyen, qui seront désormais entièrement garantis à tous les Tunisiens sans discrimination aucune. Car, il est bel et bien révolu le temps où les droits et les libertés des citoyens étaient sujets à caution où l'on ne cessait, disons-le, en des termes bien crus, de se payer la gueule des pauvres gens. Tous les paradoxes possibles et imaginables Selon toute vraisemblance, la jeunesse tunisienne se dit être prête à tourner la page, plus que jamais rassurée sur son présent, confiante en l'avenir. Tout jeune chômeur, de vingt, vingt-cinq ou trente ans qui croit dur comme fer qu'avec l'adoption d'une nouvelle Constitution, de tout un arsenal de textes de loi et de tout un train de mesures, les choses ne seront plus comme avant. Ce qui ouvre bien grandes les portes de l'espoir et de la sérénité, à même de rasséréner, de mobiliser, de booster, toutes les forces vives que compte cette nation qui auraient, du reste, longtemps souffert de tous les paradoxes possibles et imaginables. N'est-ce pas ces contradictions criardes qui ont poussé ces mêmes jeunes à se soulever, à exprimer leur courroux, à manifester enfin leur ras -le -bol‑? A l'écart des grands choix D'ici là, y aurait-il du concret, du palpable, du jouable‑? Indubitablement, c'est le chapitre relatif à l'emploi qui a fait l'objet des plus larges discussions, notamment chez les milliers de jeunes où jamais les débats n'ont été aussi politisés, aussi houleux surtout durant ces derniers mois. A l'origine, un ras le bol contre une société qui les a très souvent soumis à la douche écossaise, en leur reniant certains droits alors que d'autres tardent à leur être reconnus, qui les a longtemps maintenus bien à l'écart, disons, des grands choix de la nation. Dieu merci, tout ceci est de l'histoire dont on n'aura peu à se rappeler. Car, enfin, nous en avons de quoi nous garantir toutes les libertés qui auraient jusqu'ici fait couler tant de sang certes mais beaucoup plus d'encre. Désormais, les libertés de conscience et d'opinion sont inviolables. Les libertés d'expression et de réunion sont intégralement garanties. Le droit à la création d'associations, à la constitution de partis politique est reconnu. Et nous en passons. La démocratie est à notre portée, elle est à notre porte‑: laissons-la entrer, voulez- vous bien‑? A tout prix Les jeunes, c'est connu, ont toujours une sacrée soif de dignité et une folle envie de liberté. L'on se devrait de répondre à leurs attentes, à leurs appels trop pressants, peut-être bien aussi à leur désarroi et leur désenchantement, encore qu'ils aient toutes les peines à les contenir. Ne les laissons plus attendre trop longtemps, ne les décevons pas davantage. Et, en tout état de cause , ne pas céder aux pressions, ou se laisser aller à la démagogie, s'agissant de requêtes du genre "ici et maintenant", auxquelles lamentablement, l'on répondrait aussitôt "en veux-tu, en voilà"… Si l'on n'est plus là, au moment opportun, en temps voulu, les jeunes perdront certainement patience, ou alors ils partiront ailleurs, sous des cieux, pas plus cléments que les nôtres, mais ils partiront quand même. Prenons les devants alors, car il y aurait là un grand gâchis politique et de gros risques que l'on se doit d'éviter sinon de gérer. Et à tout prix.