Dans la journée du 22 octobre et jusqu'à la fermeture du dernier bureau de vote le 23 octobre vers 19h00, il faudra faire comme si de rien n'était dans le pays. Il faudra oublier l'effervescence politique de ces dernières semaines. Il faudra faire taire les 110 partis, les 1.300 listes, le bruit des spots, le tapage publicitaire pour les uns et contre les autres, les discours électoraux farfelus entendus ici et les idées innovantes écoutées plus loin, les sondages d'opinion, bien sûr, les centaines de débats, de rumeurs et de polémiques à la télé, à la radio, sur Internet, dans la presse. Il faudra s'appliquer une diète après plusieurs jours de boulimie. Cette abstinence particulière porte d'ailleurs un nom un brin intriguant‑: "Le silence électoral". Des élections libres et pluralistes‑? Les Tunisiens n'ont jamais connu une telle possibilité d'exprimer leurs aspirations et leurs convictions profondes, d'où notre "analphabétisme" en matière de codes déontologiques, suivis dans les pays démocratiques, qui accompagnent une telle opération. M. Larbi Chouikha, chargé des médias et de la communication à l'Isie, définit le silence électoral comme suit : "L'interdiction faite aux candidats des listes électorales, mais également aux médias, de poursuivre la campagne la veille du scrutin sous quelque forme que ce soit. L'objectif étant de laisser, après le remue-ménage, les choses se décanter pour permettre aux gens de prendre leur décision en toute sérénité". Un décret-loi(*) a d'ailleurs détaillé la procédure en question. Car la médiatisation politique d'un parti ou d'une liste ne s'arrête pas à un passage à la télé, à la radio ou à une interview dans les journaux papier ou web d'un candidat aux élections de l'Assemblée constituante, elle peut également se dérouler à travers l'affichage urbain, l'organisation de meetings, la distribution de tracts, l'usage de haut-parleurs à des fins publicitaires électorales, et même l'actualisation des sites politiques et l'envoi de SMS incitant à voter pour une liste précise. Le silence électoral s'applique-t-il également aux médias étrangers‑? Réponse de M. Larbi Chouikha : "Oui, tous les médias, qu'ils soient basés en Tunisie ou ailleurs, sont logés à la même enseigne. Les reporters qui viendront couvrir les élections recevront des accréditations de l'Isie. Nous leur demanderons de signer à cette occasion un code de bonne conduite. Dans les cas de dépassements de la loi électorale, les candidats peuvent être sanctionnés. Aux journalistes, nous retirerons les accréditations. Mais il reste vrai qu'en ses premières élections libres, les lignes rouges restent quelque peu floues". Avec un agenda légèrement décalé pour les Tunisiens vivant à l'étranger, le silence électoral démarre le 18 à partir de minuit jusqu'au 22, puisque là-bas, le temps consacré aux élections sera un peu plus long, vu les conditions particulières de nos concitoyens résidant en Europe, en Amérique et dans les pays arabes, notamment à cause de l'éloignement des bureaux de vote par rapport à leur lieu de résidence.