Par Soufiane Ben Farhat Les dés sont jetés. Il va falloir franchir le Rubicon. Les partis politiques sont prévenus. Tout dépendra dans une large mesure de leurs profil et prestations. Le dépôt des candidatures des listes des partis politiques et des indépendants pour l'élection de l'Assemblée constituante a démarré hier. Les candidats auront ainsi l'insigne honneur de participer au premier scrutin réellement libre dans l'histoire contemporaine du pays. Mais ce n'est guère une parade ou une revue de mode. C'est une compétition plutôt âpre. Avec une scène politique comptant 110 partis et autant, sinon plus, de listes postulantes indépendantes, on imagine le topo. En vérité, les dépôts de candidatures, qui s'achèveront le 7 septembre, seront en eux-mêmes révélateurs. Ils permettront, comme l'a dit Boubaker Thabet, secrétaire général de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), "de cerner la réalité des partis politiques dans le pays". Et pas seulement des partis. Les indépendants, dont certaines initiatives nationales se sont annoncées il y a peu, connaîtront, eux aussi, leur baptême du feu électoral. Pour certains, le feu est purificateur. Donc son épreuve accouche toujours de la vérité des uns et des autres. Les partis n'échapperont pas au verdict. Déjà, ils campent des profils différents. Certains préfèrent faire cavalier seul. Ils se jettent corps et âme dans la bataille sous leur propre bannière. D'aucuns dans toutes les circonscriptions électorales, d'autres dans la majorité des circonscriptions ou une portion limitée. Il y a également les coalitions de partis. Elles aussi se positionnent différemment. Et l'on découvre que certaines d'entre elles, malgré leur voix alto, n'arrivent point à être présentes dans toutes les circonscriptions. Les forts en thème ne sont pas toujours les plus puissants sur le terrain. Par ailleurs, deux faits sont à signaler. Quelques partis objectent que l'ouverture des candidatures qui coïncide avec la fête de l'Aïd El Fitr, célébrée cette année durant trois jours, suivie du week-end, entrave leur travail. D'après une dépêche TAP, "il y a risque que certains candidats soient injoignables durant cette période et qu'il soit difficile par conséquent de finaliser les dossiers de candidature. Ils ont proposé d'étendre la période de présentation des candidatures afin de remédier à cet inconvénient". De son côté, "l'Isie, tout en se disant compréhensive, affirme qu'il est difficile d'y répondre en raison des délais d'application du calendrier électoral annoncé depuis le 8 juin dernier, date du consensus autour du rendez-vous du 23 octobre pour les élections de la Constituante". L'on peut par ailleurs se demander si quelqu'un qui s'avère injoignable le troisième jour de l'Aïd et durant le week-end est sérieux dans la présentation de sa candidature à la Constituante. Seconde question problématique, un décret sera adopté cette semaine pour interdire à partir du 12 septembre la propagande politique et les sondages relatifs aux intentions de vote. Aux dires de l'Isie, "l'objectif de cette procédure est d'éviter tout facteur susceptible d'influencer l'électeur". Déjà, certains partis se sont insurgés contre cette mesure. D'autres ont même commencé une nouvelle lame de fond de spots radiophoniques et publicitaires de propagande au lendemain même de l'annonce de cette nouvelle mesure. C'est dire la prise en considération de la dimension éthique dans les projets des uns et des autres. Visiblement, quelques partis, et pas des moindres, croient dur comme fer que l'argent fera la différence. Ils se soucient visiblement peu des rapports pervers et tordus de l'argent et de la politique. Certes, l'argent est le nerf de la guerre, et la compétition électorale en est une. Mais l'argent, s'adossant à des intentions et desseins douteux, demeure équivoque. Qu'il soit investi dans les élections ne le blanchit point. Attendons voir quelle sera l'issue du bras de fer qui se profile sur la propagande politique et les sondages relatifs aux intentions de vote. Certains partis ont déjà investi des centaines de millions pour la propagande politique, bien au-delà du 12 septembre. Ils comptent défendre bec et ongles leurs deniers. Dans tous les cas de figure, la chaleur d'Aoussou promet de jouer les prolongations les deux prochains mois.