«Les jeunes de votre âge s'initient à la manipulation des armes en Libye, en Irak, à Gaza et ailleurs. Tandis que vous, vous vous initiez aux bonnes pratiques électorales. Donc à la démocratie. Vous saisissez la chance qui s'offre à vous d'être les dépositaires de cette mission historique ? Alors faites en sorte que nous réussissions à exporter un vrai modèle de la démocratie arabe, comme nous avons réussi à exporter notre révolution», lançait en début du module ce formateur à une vingtaine de stagiaires. Cela se passe au Belvédère. Un lieu fréquenté par les adeptes du calme. Car, ici, on plonge au cœur d'un site paradisiaque où d'habitude il n'y a pas de bruit, et où seul le chant des oiseaux vous sort de votre torpeur hébétée. Toutefois, la dynamique inhabituelle que connaît le Centre de formation et de recyclage d'El Omrane, sis au Belvédère, chasse la routine du quotidien et le calme de l'ordinaire. En effet, cet espace de formation accueille, depuis le 8 octobre, deux cent cinquante personnes par jour, répartis en dix groupes, qui viennent s'initier aux bonnes pratiques de la gestion des bureaux de vote. Les flux des stagiaires continueront jusqu'au 18 octobre, nous apprend Sellami Laâmari, coordinateur du cycle de formation à Tunis II. En effet, ces stagiaires seront assesseurs et chefs de bureaux de vote des élections des membres de l'Assemblée nationale constituante. Vingt-cinq formateurs, des professeurs universitaires, veillent au grain : la formation de quelque trois mille stagiaires qui vont diriger les six cents bureaux de vote de Tunis I et Tunis II. Le module de formation, qui s'étale sur une seule journée, comprend deux séances. La matinée est consacrée à l'aspect procédural, depuis la réception de la mallette électorale, à la façon de disposer les bulletins de vote sur la table de décharge, l'affichage à l'extérieur des listes des candidats. Tandis que l'après-midi est réservé aux opérations de dépouillement et comment entamer le comptage, définir le taux de participation, à partir du nombre d'électeurs, selon le registre des inscrits. L'objectif étant de garantir que le scrutin se déroule dans le calme, selon les normes définies de l'impartialité, pour que le verdict conforte le processus démocratique inclusif digne de la Tunisie moderne. Cependant, des simulations portant sur des cas insolites sont aussi prévues pour préparer les agents des bureaux de vote à résoudre tous les problèmes le jour du vote. Ainsi, le cas d'une femme portant le niqab et des gants est citée comme exemple. Comment identifier un électeur le visage couvert ? Comment une personne portant des gants va-t-elle tremper son pouce dans l'encre électorale ? «On a prévu la présence d'une femme au moins dans chaque bureau de vote. Il n'empêche, quelques dérogations ont été faites pour faciliter l'opération du vote. Ainsi, au cas où le personnel du bureau de vote ne comporte pas de femme, le chef du bureau pourrait faire appel à une femme électrice, pour authentifier l'identité de la femme dont le visage est entièrement voilé», nous explique le coordinateur du cycle de formation. La question de la neutralité du personnel du bureau de vote est aussi une grande préoccupation pour l'Isie. En effet, si d'aucuns craignent que certains partis politiques cherchent à s'emparer de la direction des bureaux de vote, du côté de l'Isie, toutes les dispositions sont prises pour éviter les dérapages. «Chaque candidat voulant faire partie du personnel du bureau de vote, signe un engagement attestant sa neutralité. Tout contrevenant encourt une peine de six mois de prison», rappelle Habib Khadhraoui, coordinateur du cycle de formation du personnel de Tunis I. D'ailleurs, au début des cours, les formateurs rappellent aux candidats que les personnes non éligibles ou faisant l'objet d'interdiction, tels que des anciens responsables des structures du RCD, sont priées de quitter les lieux de leur propre chef, sinon ils tomberont sous le coup de la loi. «On a eu deux cas où deux personnes se sont retirées d'elles mêmes», affirme Sellami Laâmari. A première vue, les irrégularités ne seront pas en tête des problèmes dans les bureaux de vote, car un grand effort a été déployé en vue de pallier les lacunes du système électoral tunisien, mais ce sont par contre les problèmes pouvant se produire avec les électeurs, les journalistes accrédités et les observateurs qui seront fort nombreux, qui tracassent un peu les stagiaires, futur personnel des bureaux de vote.