Un groupe d'anciens détenus politiques accusés de «complot contre la sûreté de l'Etat», et condamnés à plus de 26 ans de prison a organisé hier à l'hôtel Maison Blanche une conférence de presse lors de laquelle les péripéties de l'affaire ont été dévoilées. Les trois organisateurs (MM. Rached Jaïdène, Mohamed Mseddi et Mohamed Koussai Jaïbi) auxquels s'est joint un autre parmi les 12 personnes qui avaient été inculpées à l'époque (M. Hamadi Abdelmalek), ont expliqué aux journalistes que leur arrestation avait eu lieu le 29 juillet 1993 vers 2 heures du matin, soit quelques heures avant le démarrage du congrès du RCD dont Ben Ali devait présider l'ouverture. Les 12 inculpés, dont aucun ne connaissait l'autre et qui étaient accusés d'avoir créé un groupe terroriste et de se proposer de commettre diverses opérations dont une action contre le congrès du RCD, le rapt d'une fille de l'ancien président, entre autres accusations fantaisistes, ont été condamnés, 3 ans plus tard, au cours d'un procès ayant duré à peine deux heures, le 2 mai 1996, à 26 ans de prison ferme chacun et 5 ans d'assignation à résidence. Peines qui ont été purgées de manière effective sur des périodes d'au moins treize ans selon le cas. Les 4 anciens prisonniers, qui avaient été présentés par la justice comme appartenant au Mouvement Ennahdha, ont affirmé n'avoir jamais eu d'appartenance politique et n'avoir aucun lien avec M. Salah Karkar, ancien n°3 de ce mouvement dans les années 80, qui était présenté comme le chef du «groupe terroriste» imaginé par le régime de Ben Ali et sa police politique. La conférence de presse a donné l'occasion d'une claire dénonciation de la torture et des procès préfabriqués, ainsi que d'un appel à une réforme de fond devant toucher aussi bien le ministère de l'Intérieur que la Justice. Emotion et larmes à flots ont envahi la salle à l'écoute des détails des sévices subis et des souffrances des familles. Dans une déclaration finale, les intéressés ont demandé leur réhabilitation morale et matérielle, et l'élucidation de leur affaire en revenant aux archives de la sûreté de l'Etat, afin que la Tunisie ne connaisse plus jamais des affaires semblables d'injustice et de manquement aux droits de l'Homme. Les intéressés ont également estimé nécessaire de faire pression sur la France pour qu'elle présente ses excuses au peuple tunisien pour l'appui qu'elle apportait au régime de Ben Ali.