Par Abdelhamid GMATI Juste une semaine nous sépare du jour des élections pour la Constituante et la campagne électorale poursuit son petit bonhomme de chemin. Dans le calme et la détermination. Certains s'en félicitent alors que d'autres auraient bien aimé beaucoup plus de bruit, de la fanfare, du spectacle avec majorettes et danses, comme cela se passe ailleurs. D'abord cela n'est pas dans nos traditions et surtout cela coûte cher. Il y a bien eu quelques partis qui ont fait accompagner leurs meetings avec de la musique et un peu d'animation mais cela n'a pas ajouté grand-chose à leur crédibilité. Un candidat d'une liste d'indépendants dans la région de Kairouan nous disait récemment que le soutien financier accordé par l'Etat était vraiment insuffisant et qu'une campagne électorale coûte cher. L'impression d'affiches, d'affichettes, du programme, de divers documents, l'affichage, la distribution, les déplacements dans les diverses localités concernées, l'organisation de meetings, le personnel requis (il n'y a pas que des bénévoles) et divers frais requièrent des sous, beaucoup de sous. Mais chacun fait ce qu'il peut, selon ses moyens et sa détermination. L'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) et l'équipe chargée du contrôle de la campagne électorale indiquent n'avoir pas enregistré de dépassements «flagrants» ou «concrets» dans la campagne électorale par les partis politiques et les listes indépendantes, et n'ont pas de preuve irréfutable d'infractions électorales majeures, notamment d'achat de voix, précisant que des insuffisances ont cependant été enregistrées dans la gestion des fonds alloués à la campagne électorale. Il y a eu quelques dépassements en matière de publicité (affiches ou affichages non conformes, utilisation des murs de lycées, de cafés ou de mosquées...), ou utilisation de médias malgré l'interdiction de la publicité politique. Il y a aussi des partis qui profitent de coups de pouce médiatiques de certaines chaînes nationales ou arabes dont les sympathies pour le parti Ennahdha sont évidentes et déplorables. On sait ce qui est arrivé à la chaîne Attounsia TV, qui a été «fermée» pour avoir diffusé des interviews d'hommes politiques tunisiens. Certes, la justice a annulé cette fermeture mais le préjudice est là. Impunité pour les autres chaînes étrangères (Attounsia est considérée comme étrangère). Reste qu'interviewer des chefs de partis ou de responsables politiques ne constitue pas automatiquement une infraction sauf s'il y a étalage du programme du parti. Et il y a aussi l'utilisation des lieux de prière malgré l'interdiction. Bref, la publicité politique est toujours là, même déguisée. Les candidats ont tout loisir d'utiliser la télé selon des règles fixées par l'Isie et acceptées par tous. Chaque soir, on peut les voir et les écouter disserter. Ils ne parlent que rarement de Constitution, consacrant l'essentiel de leurs paroles aux promesses sociales et économiques. A les entendre, les problèmes de la Tunisie seront résolus en deux temps trois mouvements, s'ils sont élus. Car eux seuls détiennent les solutions. Il faudrait cependant faire très attention. Le Tunisien, qui a été abreuvé durant des décennies de promesses mensongères, n'est pas dupe. Certains partis, ayant voulu faire du populisme et acquérir des voix en distribuant quelques denrées alimentaires et quelques sous, se sont rendu compte que les gens acceptaient les cadeaux mais étaient résolus à voter contre eux. D'autres essaient de mobiliser les électeurs de leur propre circonscription en les caressant dans le sens du poil, en leur promettant de s'occuper d'eux et de satisfaire leurs revendications. Ceux qui font des promesses inconsidérées feraient mieux d'être prudents. Car s'ils étaient élus, leurs électeurs pourraient venir leur demander des comptes : «Où sont tes promesses ? Qu'as-tu fait de mon vote ?». Ce serait amusant de voir des «députés» demander la protection de la police parce que poursuivis par...leurs propres électeurs.