Par Foued ALLANI Avancée notable ou coup d'épée dans l'eau ? La demande du Parti socialiste français (PSF) formulée vendredi et visant à reconnaître officiellement le massacre par la police, le 17 octobre 1961 à Paris, de près de 300 Algériens civils sans armes pourrait-elle, en effet, être considérée comme un facteur pouvant favoriser l'évolution positive de la position de l'Etat français vis-à-vis de ce crime odieux après un demi-siècle d'indéffirence et parfois de silence suspect ? Il y a lieu d'espérer que cela puisse arriver. D'abord parce que cette demande émanant du PSF est en lui-même un bon signe. Les socialistes français étant connus pour avoir été depuis le déclenchement de la révolution algérienne le 1er novembre 1954 dans le but de se libérer du joug de la colonisation française et jusqu'à l'indépendance de l'Algérie quelque peu en faveur de cette guerre, d'ailleurs appelée à l'époque «Opération de maintien de l'ordre» par les autorités françaises. Celles-ci ne reconnurent son statut de «guerre» qu'en 1999. Guy Mollet, à l'époque président du Conseil, avait bien nommé le tristement célèbre Robert Lacoste à la tête de l'administration coloniale qui avait pour mission de mater cette révolution. François Mitterrand, fondateur du PSF en 1971 et président de la République de 1981 à 1995, a, lui aussi, joué un rôle actif dans la répression de ce mouvement légitime du peuple à l'époque où il était ministre (de l'Intérieur puis de la Justice). Par ailleurs, plusieurs historiens dont bon nombre sont de gauche sont pervenus, depuis plusieurs années, à démontrer le caractère odieux et criminel des autorités sécuritaires de Paris dirigées à cette époque-là par le tristement célèbre Maurice Papon. Son procès en 1997 pour son rôle dans la déportation des juifs dans les années 40 avait permis lui aussi de mettre au jour son rôle déterminant dans ce massacre puisqu'il a été établi qu'il avait donné l'ordre de frapper dur les manifestants. Ces derniers devaient, d'après lui, payer pour les actes violents par les militants du FLN (Front de liberation nationale algérien) contre les policiers de France et leurs collabos. Massacres qui, à l'époque, ont été minimisés à outrance soit deux morts seulement, alors que les observateur avaient noté un comportement prémédité de la part des forces de l'ordre et bon nombre de cadavres flottant dans la Seine le lendemain et jours suivants. Certain observateurs avaient aussi noté l'attitude passive des membres des formations syndicales socialistes présentes sur les lieux. La demande formulée par le PSF de faire en sorte que le Etat reconnaisse les faits comme ils se sont passés dans la réalité ouvrira ainsi l'accès aux archives de cet événement tragiquée et permettra sans doute les réparations qui s'imposent. La France ayant déjà reconnu sa responsabilité dans le massacre du 8 mars 1945 à Sétif en Algérie (jusqu'à 15.000 Algériens d'après les historiens) et certains de ses généraux leur responsabilité dans les exactions commises contre le peuple algérien et ses combattants (des résistants tout comme leurs homologues français contre l'occupation nazie), considérés à l'époque comme des hors-la-loi (tortures, viols, assassinats…). La France pourrait-elle, à l'occasion de l'événement attendu, présenter ses excuses aux Algériens pour avoir permis les massacres du 17 octobre 1961 ? Apparemment non. Déjà en mai 2010 et protestant contre le film de Rachid Bouchareb projeté à Cannes, des membres de l'UMP (Union pour un mouvement populaire, majorité au pouvoir — chambre basse) avaient haussé le ton et réclamé que l'histoire ne devrait pas être considérée du seul angle des Algériens. Cette attitude n'était en fait pas inattendue puisque la France a toujours refusé de présenter ses excuses aux Algériens, tout comme pour tous les autres peuples colonisés (l'Italie et la Belgique, elles, avaient présenté leurs excuses respectives pour les peuples de leurs anciennes colonies). C'est avec l'Algérie, en effet que le contentieux est plus lourd et ce pays frère est décidé à arriver jusqu'au bout, surtout qu'il ne fait que réclamer son droit. La France avait en effet commis plusieurs crimes envers le peuple algérien dont l'atteinte à sa dignité, à son état civil, à son identité. Cela sans oublier les crimes matériels tels que les exactions corporelles, la spoliation, la confiscation de ses archives, les mines antipersonnel, le massacre des harkis (même s'ils étaient des collabos) et la contamination radioactive d'une partie de sa population et de son environnement à cause des essais nucléaires effectués par la France dans le Sahara. Loin de vouloir dresser un quelconque réquisitoire contre les seuls socialistes dans les événements du 17 octobre 1961 et les autres actes de violence commis contre les Algériens, disons que l'attitude du PSF datée de vendredi est porteuse d'un réel espoir dans l'accélération du processus visant la réconciliation entre la France et son ancienne colonie.