• «L'art ne devrait pas être différent de la vie, mais être une action dans la vie» John Cage Il est temps que l'artiste sorte de sa caverne (référence à Platon) et qu'il rejoigne la cité. Ce fut, en quelque sorte, le cas dimanche dernier (il était temps!), du côté de la banlieue nord de Tunis. Des artistes ont, en effet, investi la rue pour réinvestir le décor d'une révolution, dans une volonté de l'inscrire dans le temps, de le graver, de l'éterniser..."Art dans la rue-art dans le quartier", comme le souligne le titre de l'événement, s'insère dans ce qu'on appelle une pratique contemporaine, encore occultée sous nos cieux, a réuni peintres, sculpteurs, céramistes, performers, vidéastes, photographes, installateurs, designers, graphistes mais aussi des étudiants des écoles d'art, de design et d'architecture qui ont assiégé, le temps d'une journée, un terrain vide (propriété de l'Etat) qu'on a utilisé pendant la révolution comme dépotoir de voitures brûlées. La vocation de cet événement est, selon son initiatrice Faten Rouissi, enseignante à l' Ecole nationale d'Architecture et d'Urbanisme à Sidi Bou Saïd, de soutenir la révolution de la jeunesse pour la liberté et la dignité, d'une façon colorée, joyeuse et positive, pendant cette phase de reconstruction du pays. Entre happenning et autres interventions colorées sur certaines voitures brûlées ce dernier mois, cette action sur le terrain se voulait une contribution modeste des artistes et de la jeunesse à la promotion de l'art et la culture de proximité. D'ailleurs, les habitants des environs n'ont pas hésité à rejoindre le groupe d'artistes et, entre curiosité et envie pressante, à immortaliser les témoignages d'un chapitre inédit de notre histoire. Certains ont choisi de rendre hommage aux martyrs de la révolution en inscrivant des épitaphes sur certaines voitures... Ce genre d'initiative, bénévole et indépendante de toute association et organisme, étatique ou privé, ambitionne, outre de rendre hommage à la révolution de la dignité, d' "inciter le ministère de la Culture, ainsi que les différents acteurs culturels à soutenir et à promouvoir l'art contemporain en y apportant les structures adéquates et nécessaires pour un développement solide et pérenne", comme le souligne le texte de l'événement. Et dans ce sens, la matière qui ne manque pas est encore présente jusqu'à maintenant, tremblotante et marquante. Qu'on vienne la cueillir, sur les murs de nos rues, sur des enseignes, surtout du côté de la place de la Kasbah, où, le temps d'un sit-in, quelques artistes anonymes et surtout des manifestants ont témoigné d'un chapitre historique de notre pays. Il serait aussi intéressant de réintégrer artistiquement toutes ces inscriptions, ces graffitis, ce happening collectif qu'est le sit-in avant qu'ils ne disparaissent. pas uniquement dans un souci esthétique, mais surtout par respect de notre mémoire collective.