Les Tunisiens choisissent, aujourd'hui, leurs représentants au sein de l'Assemblée nationale constituante, qui devra rédiger la Constitution, désigner démocratiquement un nouveau président de la République par intérim et avaliser le gouvernement de la 2e transition démocratique. Eu égard à ces larges prérogatives, le vote de chaque citoyen se doit d'être mûrement réfléchi et conforme à sa conception de l'avenir du pays. Car cette nouvelle Constitution sera le cadre général des futures institutions républicaines sur plusieurs décennies et établira les règles du jeu démocratique et les références, principes et valeurs fondamentaux du pays. Une hésitation légitime Chaque électeur a pu se faire une idée du choix qu'il va devoir faire entre les dizaines de listes candidates de sa circonscription électorale. Mais le doute subsistera chez de nombreuses personnes jusqu'au dernier moment. Une hésitation légitime, notamment chez les citoyens non «idéologisés», lesquels ont devant eux tout un éventail de courants dits centristes, avec toutes les nuances de notre échiquier complexe, à trois axes: droite-gauche socioéconomique, axe relatif à l'attachement aux références islamiques et axe en liaison avec le panarabisme et le degré d'arabité prôné. De sorte que, contrairement aux électeurs des pays démocratiques occidentaux, les nôtres doivent procéder à un choix à trois dimensions. A ces considérations s'ajoute, au vu des débats de la campagne électorale, l'impératif de tenir compte des futures alliances possibles au sein de la Constituante en fonction des options de chaque parti ou liste quant au futur régime politique et à l'attachement aux différents principes et valeurs républicaines. Bien calculer son «vote utile» L'électeur est appelé à faire un «vote utile» de nature à affaiblir au maximum les chances de tout projet qu'il désapprouve, quitte à ne pas voter pour la tendance dont il est le plus proche. Ainsi, la volonté d'en finir avec le pouvoir personnel conduira un électeur à ne pas voter pour un parti dont le leader affiche un ego inquiétant. A l'inverse, ceux qui craignent un régime parlementaire pouvant conduire à une instabilité chronique et mener à l'ingouvernabilité du pays, ne devront pas voter pour une liste prônant ce régime, même s'ils se retrouvent dans l'essentiel de ses visions et de son programme. Tracer les contours de la future Constituante En fait, même si cela n'est pas facile, après un demi-siècle de désert politique, chaque citoyen gagnerait à tracer les contours de la future Constituante, sur la base des pronostics connus — bien que discutables — en imaginant à quelle majorité conduiraient les alliances possibles en son sein. Et, en combinant les diverses options des futurs alliés potentiels, sur la base des trois axes cités plus haut, à quel régime politique et à quel projet de société. Avoir en tête le projet de société Car s'il est vrai que la Constituante devra, pour l'essentiel, se contenter de rédiger la nouvelle Constitution, toutes les directions et options qu'elle va creuser ne manqueront pas de marquer l'avenir du pays et d'influencer le futur projet de société. En conclusion, il s'agit de prendre conscience du fait qu'il n'y a pas de mode d'emploi miracle, autre que le sentiment profond de chaque électeur et son intime conviction, auxquels il est fort utile d'adjoindre une petite dose de calculs électoraux. Tant pis pour les faibles en maths et les littéraires.