Par Soufiane Ben Farhat Interminables pourparlers entre certains partis politiques de la place pour les postes présidentiels et gouvernementaux. Porteurs pour leurs militants, décevants pour l'opinion. Et les conciliabules se font parfois au couteau. Qu'on en juge : les réunions rassemblent trois partis politiques : Ennahdha, Ettakatol et le CPR. Elles commencent chaque jour à 8 heures du matin et se terminent à minuit. Les «délégués» des trois partis sont dispatchés en trois groupes, l'un politique, le deuxième juridique et le troisième économique et social. Pour l'instant, les pommes de discorde portent sur les postes présidentiels (présidence de la République, chef du gouvernement et président de l'Assemblée constituante). Lesdits différends embrassent par voie d'incidence et de compensations les ministères de souveraineté (Intérieur, Justice et Affaires étrangères) ainsi que des ministères de premier plan (Economie et Education). Cela dure depuis deux semaines. Et l'on a appris pas plus tard qu'hier –officieusement— qu'il y a déjà un accord «de principe» sur le poste de chef du gouvernement ! C'est dire qu'aux yeux de la large masse, cela équivaut à une querelle de coulisses pour le partage du gâteau. Eh quoi ? On n'est quand même pas en présence de quelques pourparlers de paix entre factions armées et rivales. Et puis, il y a des urgences : Un taux de chômage en expansion (le nombre des chômeurs pourrait atteindre le cap fatidique de un million dans deux mois alors qu'ils n'étaient que cinq cent mille chômeurs en janvier), détresse des régions abandonnées à leur sort, pouvoir d'achat en perpétuelle érosion, augmentation vertigineuse des prix ,notamment des denrées alimentaires, secteur touristique au bord de la faillite, loi de finances en suspens, déficit budgétaire faramineux, endettement... Plus que les dignités des fauteuils, les priorités de l'intérêt public interpellent avec insistance. Ou devraient interpeller. Nous assistons en revanche à des manœuvres en coulisses qui en disent long sur les affres de la partitocratie en gestation. Quels que soient les partis, quels qu'en soient les potentiels et acquis militants, ils ne sauraient être au-dessus des intérêts supérieurs de la Tunisie. Et puis, ils devront subir, à leur tour, les charges et servitudes du pouvoir. C'est-à-dire les risques et périls de l'usure du pouvoir. Aujourd'hui, on le sait via les fuites et les chuchotements, le pouvoir est convoité par tous. Même par d'anciennes figures aux statures politiques jadis reconnues. Jadis, encore faut-il le rappeler. Après les élections du 23 octobre, les appétits se sont aiguisés. Ceux qui sont titulaires d'un suffrage populaire se retrouvent aux prises avec ceux qui n'en ont pas. Il est vrai que certains partis et fronts de la place –tels le PDP, Afek ou le PDM—ont tôt fait de se positionner dans l'opposition. Ce qui ne préfigure pas pour autant de leur regroupement en quelque bloc parlementaire uni. Ce faisant, ils préfèrent assumer pleinement le «connais-toi toi-même». D'autres s'échinent toujours à vouloir se tailler une pièce du nouvel édifice en conception, même en ayant subi un revers électoral cuisant. Bref, le panorama politique ne semble guère briller par l'entrain. Il y a davantage un jeu d'ombres dans les arrière-boutiques partisanes. Les divers protagonistes semblent toujours sous le choc des résultats des élections. Lesquels résultats n'ont toujours pas été officiellement et définitivement proclamés par l'Instance supérieure indépendante des élections (l'Isie). Qu'on se le tienne pour acquis : les carrières politiques finissent presque toujours mal. Autant bien les commencer. Et dans l'un des merveilleux romans d'Alejo Carpentier, un protagoniste se dit précisément : «L'uniforme t'est monté à la tête. Attention à l'ivresse de l'uniforme, c'est la pire de toutes».